– Il est encore temps, continua-t-il. Vous pouvez encore vous sauver, vous refaire une autre existence, trouver peut-être une femme digne de vous, qui vous aimera, que vous aimerez… Vous n’avez plus rien à faire à Paris, puisque vous savez maintenant, à n’en plus douter, que Jeanne ne vous aimera jamais…
– C’est vrai! murmura le jeune homme en étouffant un soupir.
– Et puisqu’elle vous a juré de n’être à personne, continua Saint-Germain en dissimulant un sourire, vous voilà tranquille; plus d’amour, mais plus de jalousie, plus de souffrance…
– Comte, demanda avidement d’Assas, vous qui savez tout, qui prévoyez tout, qui devinez tout, dites-moi si elle tiendra parole?…
– Je vous affirme qu’elle a parlé de bonne foi, avec une profonde sincérité…
– C’est vraiment ce que vous croyez? fit d’Assas en tressaillant de joie.
– C’est ce dont je suis absolument certain!…
– Eh bien!… Je vous écouterai! Je vous obéirai!… Je m’en irai, emportant au fond de mon cœur cette promesse apaisante!
– Ô nature humaine! murmura Saint-Germain. Ai-je votre parole? reprit-il tout haut.
– Vous l’avez!… Vers midi je serai à Paris… dans la soirée, je serai sur la grande route d’Auvergne.
– Adieu donc, mon enfant!… Loin de Paris, vous retrouverez ce bonheur dont vous êtes si digne. Ne secouez pas la tête. L’amour passe. On croit que le cœur est mort. Et un beau jour, on s’aperçoit qu’un autre amour le fait revivre. Vous aimerez. Vous serez heureux… Adieu… Pensez quelquefois à moi dans vos jours de chagrin, et s’il vous survenait quelque catastrophe, n’hésitez pas à m’écrire… je puis beaucoup, d’Assas!
Allez, mon enfant, je ne vous perdrai pas de vue: là-bas, dans votre garnison, ou, plus tard, sur les champs de bataille, dites-vous bien que je veille sur vous…
D’Assas, au comble de l’émotion, se jeta dans les bras de cet homme étrange.
Le comte de Saint-Germain le serra sur sa poitrine, puis lui faisant un dernier signe, s’éloigna rapidement.
D’Assas se dirigea vers la grande porte de la grille du château.