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– Vous serez prévenue par moi-même, dit Maurevert qui s’inclina tout étourdi de ce qui lui arrivait, plus étourdi encore du ton d’autorité avec lequel cette femme donnait des ordres au roi de Paris, au futur roi de France.

Fausta fit un geste de hautaine bienveillance, et Maurevert, s’éloignant, sortit de la maison et reprit en toute hâte le chemin de la rue Saint-Denis. Quant à Fausta, si elle avait semblé conduire toute cette scène sans effort apparent, l’effort n’en était pas moins considérable, car après le départ de Maurevert, elle pencha la tête et la laissa tomber dans une de ses mains comme si elle eût été un moment accablée du poids de ses pensées.

– Pardaillan est pris, murmura-t-elle. Pris!… Conduit à la Bastille!… Est-ce de la joie ou de la terreur qui fait palpiter mon sein?… Oh! misérable cœur de femme! Si je ne puis t’arracher, j’étoufferai au moins ta révolte!… Pardaillan mourra sans que je l’ai revu… Demain, j’aurai statué sur son sort…

Et secouant la tête comme pour se débarrasser d’une pensée qui la gênait à ce moment, car elle avait une admirable méthode dans le travail de ses conceptions:

– Mais qui se trouve, alors, dans l’hôtel de la rue des Barrés?… Où est Violetta?… Il faut que je le sache à l’instant…

Ayant ainsi parlé, son visage un instant bouleversé par la passion reprit toute sa sincérité. Elle appela ses femmes Myrthis et Léa qui lui apportèrent un costume complet de gentilhomme. Elle se défit alors des vêtements de page qu’elle avait gardés jusque-là, revêtit le nouveau costume qu’on lui venait d’apporter, mit un masque de velours noir doublé de satin blanc sur son visage, et bientôt, montant à cheval, elle prit le chemin de la rue des Barrés, escortée d’un seul domestique.

Ce domestique, c’était l’espion qui avait suivi maître Claude.

Lorsqu’ils furent arrivés rue des Barrés, l’espion prit les devants et s’arrêta devant l’hôtel d’où il avait vu sortir Claude. Fausta mit pied à terre et souleva elle-même le marteau. Au bout de quelques instants, le guichet de la porte s’ouvrit. Une figure d’homme parut derrière ce guichet.

– Que voulez-vous? demanda l’homme qui jeta dans la rue un regard rapide et soupçonneux, lequel regard se rassura d’ailleurs en constatant qu’il n’y avait devant la porte qu’un jeune gentilhomme et son laquais.

Fausta répondit:

– Je viens de la part de monsieur le chevalier de Pardaillan, de maître Claude et de monseigneur Farnèse.

Fut-ce l’effet de cette triple recommandation? Ou un seul de ces trois noms suffit-il?… À peine Fausta eut-elle parlée que la porte s’ouvrit précipitamment et l’homme dit:

– Entrez, monseigneur vous attend…

«Monseigneur!» songea Fausta en tressaillant.

Et elle entra sans hésitation apparente; mais sa main s’assura que la dague et le pistolet qu’elle avait passés à sa ceinture pouvaient être facilement et rapidement saisis sous le manteau qui l’enveloppait.

– Venez, venez, monsieur? dit le serviteur en traversant une antichambre.

Si vite que Fausta eût traversé cette antichambre, sorte de parloir aux vieux meubles solennels, elle n’en étudia pas moins d’un regard l’ensemble des choses qui l’entouraient. Sur un panneau de mur, elle vit un portrait de jeune femme d’une délicate et mélancolique beauté. Au-dessous du portrait, une tapisserie portait en broderie d’or cette devise qui se répétait sur d’autres panneaux: «Je charme tout.»

– Marie Touchet! La maîtresse du roi Charles IX!…

Dans la salle où elle fut introduite, Fausta aperçut la même devise et le même portrait qui s’accompagnait là d’un autre portrait: celui de Charles IX lui-même. Fausta sourit et murmura:

– Je suis dans l’hôtel de Marie Touchet!… Et l’ami de Pardaillan… celui à qui Violetta a été confiée… c’est celui qui a insulté Guise sur la place de Grève… celui qui vient pour venger son père… c’est Charles de Valois, duc d’Angoulême… et le voici…

En effet, à ce moment, une porte s’ouvrait, et Charles d’Angoulême s’avançait rapidement, prononçant avec un indicible accent d’émotion:

– Soyez le bienvenu, monsieur, vous qui venez au nom des trois hommes qui, en cette heure, occupent ma pensée tout entière…