Изменить стиль страницы

Ricaneur,Fandor montra le poing au bandit qui, sans doute, ne soupçonnaitpoint sa présence.

— Ànous deux ! faisait-il sur un ton de plaisanterie, oùpourtant passait une sombre menace. À nous deux, cher maître,nous nous retrouverons…

Fandorfit demi-tour, abandonna le quai, courut au bureau du télégraphe.

— Vite,mademoiselle, disait-il à remployée. Une formule pourtélégramme. Là ! Voici !

Eten toute hâte Fandor rédigeait une dépêche :

Prièred’envoyer à la gare du Nord six agents de la Sûretéet de mobiliser les forces policières du commissariat spécial.Prévenir Juve, si Juve est à Paris. Fantômasarrive par train de Bruxelles de minuit vingt, je suis dans lemême train. Il est habillé en apache, lui sauterdessus quand je donnerai le signal.

Fandorsignait en toutes lettres : JérômeFandor,sachantbien qu’à la Sûreté il était assezconnu pour qu’en dépit de son manque de fonctionsofficielles on s’empressât d’obéir àses ordres.

— Combien ?demandait Fandor à la jeune buraliste. Mais celle-ci, lisantle câble, avait pâli, blêmi, elle tremblait de tousses membres :

— Fantômasest là ! disait-elle, Fantômas est dans la gare,alors ? Ah ! monsieur, monsieur ! j’ai peur !

Unefois encore, le nom tragique, le nom d’horreur, le nom de sangproduisait son terrifiant effet. La jeune fille qui, trèscertainement, avait maintes fois lu dans les journaux le récitdes fantastiques aventures du Maître de l’épouvante,ne pouvait garder son sang-froid en apprenant qu’il se trouvaitsi près d’elle.

Fandortoutefois n’était pas disposé à bavarder.Au hasard, il inventait une explication :

— Maisnon, faisait-il bourru. Vous vous trompez. Ce n’est pas dugrand Fantômas qu’il s’agit, c’est d’un…c’est de…

Ilallait s’embrouiller dans cette phrase, il demanda :

— Combien ?

Àcet instant, cependant, une cloche retentissait.

— Montrain, bon Dieu ! rugit Fandor.

Etdevant la buraliste stupéfaite, le jeune homme lançaità la volée un louis.

— Payez-vous,criait-il, et surtout câblez immédiatement…

Puisil sortait précipitamment du bureau de poste, traversait lesvoies en courant, rejoignait tout juste le rapide à l’instantoù le convoi démarrait.

— Sapristi,pensa le journaliste, il était moins cinq… Un peu plus,je ratais le train ! Décidément, il est dans mavocation de toujours monter en voltige dans les wagons.

Fandorplaisantait, mais cependant bougonnait.

Pourcourir, en effet, il avait dû faire un effort surhumain, car sacheville, quoique allant mieux, lui causait toujours d’intolérablesdouleurs. Il avait pu toutefois délacer son soulier, et celalui facilitait la marche.

Unquart d’heure plus tard, Jérôme Fandor étaitinstallé dans un compartiment de troisième classe etfaisait piteuse mine.

Lejeune homme, en effet, venait de parcourir par le couloir lasuccession de tous les wagons, cherchant à apercevoirFantômas.

Iln’avait vu personne… Pas plus dans les wagons detroisième classe que dans les wagons de seconde ou depremière, il ne lui avait pas été loisible dereconnaître l’apache qui, un instant avant, se promenaitsur les quais d’embarquement.

Fantômasavait-il donc disparu ? Fantômas, l’ayant dépisté,avait-il donc renoncé à prendre le train ?

— Ah !bon Dieu de malheur ! se jurait Fandor, si jamais il s’étaitdébiné pendant que je me trouvais au bureau dutélégraphe, Juve ne me le pardonnerait pas !

Unespoir restait cependant au journaliste. Il se disait que, trèsévidemment, Fantômas ne devait pas tenir àattirer l’attention sur lui. Il était donc assez logiqued’imaginer que le bandit, profitant des circonstances, avait dûimaginer un moyen de passer inaperçu.

Peut-êtres’était-il réfugié dans l’un descabinets de toilette. Peut-être s’était-il glissésous un amas de couvertures, dans les wagons à demi sombres oùdes voyageurs dormaient.

Entout cas, Fandor eût risqué trop gros jeu àpoursuivre son enquête dans le train.

— Toutce que je peux faire, pensait-il, c’est d’attendre. ÀParis, par exemple, cela changera, je ferai en sorte de sauter dewagon l’un des premiers, tant pis pour ma foulure… et jeme mettrai à côté de la sortie. Quand Fantômaspassera, et il faudra bien qu’il passe, crac… je leferai empoigner.

Fandorparlait en vérité avec une belle audace, car, mieux quepersonne peut-être, il était payé pour savoirqu’il était téméraire de vouloir prédirel’arrestation du Maître de l’effroi.

Lesévénements, toutefois, pouvaient l’autoriser àmanifester quelque confiance. Il était évidemmentcertain que Fantômas devait être dans le train. Il étaitprobable qu’il était sans défiance, et, d’autrepart, il était assuré qu’à la gare du Nordles forces policières seraient en nombre, prêtes àintervenir.

Comment,dès lors, se défendre d’un peu d’espoir ?Comment, dès lors, ne pas croire que Fantômas allaitenfin tomber aux mains de la police ?

Rongeantson frein, trouvant les heures effroyablement longues, Fandorattendait l’arrivée avec une anxiétéfolle. Quand le train commençait à franchir lesfortifications, quand il franchissait en ralentissant les voies dedégagement de la gare du Nord, quand il se faufilait, tel unsouple serpent d’acier, le long des hangars et des remises desdépôts de machines, Fandor croyait, tant son énervementétait extrême, qu’il allait crier d’émotion.

Etc’était enfin avec toute la lente solennité del’arrivée des grands express que le train pénétraitsous le hall et, tout secoué encore de son élan et desa vitesse, venait, en crachant la vapeur, s’immobiliser àquelques mètres du buttoir.

Fandor,depuis longtemps déjà, était descendu sur lesmarchepieds du premier wagon attelé à la locomotive. Ilsautait sur le quai, ne sentant même pas le mal que lui causaitsa cheville endolorie, et courait en avant se poster près del’employé chargé de recevoir les billets.

D’uncoup d’œil, d’ailleurs, Jérôme Fandoravait pu s’assurer qu’à Paris on avait tenu comptede sa dépêche envoyée de Bruxelles.

Surle quai de la station, en effet, Fandor venait d’apercevoirLéon et Michel, les deux dévoués inspecteurs quise promenaient, faisant les cent pas, ayant l’air de ne pointse connaître, et feignant d’être là, pourattendre l’arrivée de parents ou d’amis.

Plusloin, quatre gros hommes causaient ensemble, parlant très hautdes cours de la Bourse.

— Encoredes inspecteurs ! murmura Fandor.

Etles yeux du jeune homme fouillaient les rangs pressés de lafoule, cherchant à discerner si Juve n’était paslà, caché parmi les badauds.

Fandorn’aperçut pas le policier.

Maisce n’était pas le moment de chercher Juve. Il étaitquelqu’un qu’il fallait reconnaître, qu’ilimportait de dépister, et qui était bien autrementimportant. C’était Fantômas…

— Va-t-ilvenir ? se demanda Fandor, considérant le flot desvoyageurs qui descendaient des wagons, se bousculaient pour arriver àpasser plus vite le portillon de la sortie.

Or,comme Jérôme Fandor se posait avec une angoisse follecette question, il éprouvait brusquement une commotionviolente au cœur :

Devantlui, à moins de vingt mètres, marchant sans se presservers la sortie, Fandor venait d’apercevoir un fort élégantgentleman. Il portait un chapeau mou de la meilleure coupe, un grandpardessus fort ample, de fines chaussures ; ses mains gantéestenaient un sac valise du meilleur goût.

Or,cet individu qui s’avançait ainsi, une cigarette auxlèvres, l’allure dégagée, le gestetranquille, Fandor le reconnaissait, à l’instant.

C’étaitFantômas.

LeMaître de l’épouvante, une fois encore, avait suduper Fandor.

Unefois encore, il avait dépisté les recherches dujournaliste en ayant recours à un habile grimage.

Fantômasétait méconnaissable. Fantômas, qui étaitapache à Bruxelles, incarnait désormais àmerveille un très riche gentleman.

Alors,en un instant, Fandor jugea la situation.