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– Que signifie cela? tu n’as même pas la force de retenir ce petit bâton?

– Ce n’est pas la force qui me manque, répondit le tailleur. Tu t’imagines que c’est ça qui ferait peur à celui qui en a tué sept d’un coup? J’ai sauté par-dessus l’arbre parce qu’il y a des chasseurs qui tirent dans les taillis. Saute, toi aussi, si tu le peux!

Le géant essaya, n’y parvint pas et resta pendu dans les branches de sorte que, cette fois encore, ce fut le tailleur qui gagna.

Le géant lui dit:

– Si tu es si vaillant, viens dans notre caverne pour y passer la nuit avec nous. Le petit tailleur accepta et l’accompagna. Lorsqu’ils arrivèrent dans la grotte, les autres géants étaient assis autour du feu et chacun d’entre eux tenait à la main un monstrueux rôti auquel ils mordaient. Le petit tailleur regarda autour de lui et pensa: «C’est bien plus grand ici que dans mon atelier.»

Le géant lui indiqua un lit et lui dit de s’y coucher et d’y dormir.

Mais le lit était trop grand pour le petit tailleur. Il ne s’y coucha pas, mais s’allongea dans un coin. Quand il fut minuit et que le géant pensa que le tailleur dormait profondément, il prit une barre de fer et, d’un seul coup, brisa le lit, croyant avoir donné le coup de grâce au rase-mottes. Au matin, les géants s’en allèrent dans la forêt. Ils avaient complètement oublié le tailleur. Et le voilà qui s’avançait tout joyeux et plein de témérité! Les géants prirent peur, craignirent qu’il ne les tuât tous et s’enfuirent en toute hâte.

Le petit tailleur poursuivit son chemin au hasard. Après avoir longtemps voyagé, il arriva dans la cour d’un palais royal et, comme il était fatigué, il se coucha et s’endormit. Pendant qu’il était là, des gens s’approchèrent, qui lurent sur sa ceinture: «Sept d’un coup».

– Eh! dirent-ils, que vient faire ce foudre de guerre dans notre paix? Ce doit être un puissant seigneur!

Ils allèrent le dire au roi, pensant que si la guerre éclatait ce serait là un homme utile et important, qu’il ne fallait laisser repartir à aucun prix. Ce conseil plut au roi et il envoya l’un de ses courtisans auprès du petit tailleur avec pour mission de lui offrir une fonction militaire quand il s’éveillerait. Le messager resta planté près du dormeur, attendit qu’il remuât les membres et ouvrit les yeux et lui présenta sa requête.

– C’est justement pour cela que je suis venu ici, répondit-il. je suis prêt à entrer au service du roi.

Il fut reçu avec tous les honneurs et on mit à sa disposition une demeure particulière.

Les gens de guerre ne voyaient cependant pas le petit tailleur d’un bon œil. Ils le souhaitaient à mille lieues.

– Qu’est-ce que ça va donner, disaient-ils entre eux, si nous nous prenons de querelle avec lui et qu’il frappe? Il y en aura sept à chaque fois qui tomberont. Aucun de nous ne se tirera d’affaire.

Ils décidèrent donc de se rendre tous auprès du roi et demandèrent à quitter son service.

– Nous ne sommes pas faits, dirent-ils, pour rester à côté d’un homme qui en abat sept d’un coup.

Le roi était triste de perdre, à cause d’un seul, ses meilleurs serviteurs. Il aurait souhaité ne l’avoir jamais vu et aurait bien voulu qu’il repartît. Mais il n’osait pas lui donner son congé parce qu’il aurait pu le tuer lui et tout son monde et prendre sa place sur le trône. Il hésita longtemps. Finalement, il eut une idée. Il fit dire au petit tailleur que, parce qu’il était un grand foudre de guerre, il voulait bien lui faire une proposition. Dans une forêt de son pays habitaient deux géants qui causaient de gros ravages, pillaient, tuaient, mettaient tout à feu et à sang. Personne ne pouvait les approcher sans mettre sa vie en péril. S’il les vainquait et qu’il les tuât, il lui donnerait sa fille unique en mariage et la moitié de son royaume en dot. Cent cavaliers l’accompagneraient et lui prêteraient secours. «Voilà qui convient à un homme comme un moi», songea le petit tailleur. «Une jolie princesse et la moitié d’un royaume, ça ne se trouve pas tous les jours».

– Oui, fut donc sa réponse. Je viendrai bien à bout des géants et je n’ai pas besoin de cent cavaliers. Celui qui en tue sept d’un coup n’a rien à craindre quand il n’y en a que deux.

Le petit tailleur prit la route et les cent cavaliers le suivaient. Quand il arriva à l’orée de la forêt, il dit à ses compagnons:

– Restez ici, je viendrai bien tout seul à bout des géants.

Il s’enfonça dans la forêt en regardant à droite et à gauche. Au bout d’un moment, il aperçut les deux géants. Ils étaient couchés sous un arbre et dormaient en ronflant si fort que les branches en bougeaient. Pas paresseux, le petit tailleur remplit ses poches de cailloux et grimpa dans l’arbre. Quand il fut à mi-hauteur, il se glissa le long d’une branche jusqu’à se trouver exactement au-dessus des dormeurs et fit tomber sur la poitrine de l’un des géants une pierre après l’autre. Longtemps, le géant ne sentit rien. Finalement, il se réveilla, secoua son compagnon et lui dit:

– Pourquoi me frappes-tu?

– Tu rêves, répondit l’autre. Je ne te frappe pas.

Ils se remirent à dormir. Alors le petit tailleur jeta un caillou sur le second des géants.

– Qu’est-ce que c’est? cria-t-il. Pourquoi me frappes-tu?

– Je ne te frappe pas, répondit le premier en grognant.

Ils se querellèrent un instant mais, comme ils étaient fatigués, ils cessèrent et se rendormirent. Le petit tailleur recommença son jeu, choisit une grosse pierre et la lança avec force sur la poitrine du premier géant.

– C’est trop fort! s’écria celui-ci.

Il bondit comme un fou et jeta son compagnon contre l’arbre, si fort que celui-ci en fut ébranlé. Le second lui rendit la monnaie de sa pièce et ils entrèrent dans une telle colère qu’ils arrachaient des arbres pour s’en frapper l’un l’autre. À la fin, ils tombèrent tous deux morts sur le sol. Le petit tailleur regagna alors la terre ferme. «Une chance qu’ils n’aient pas arraché l’arbre sur lequel j’étais perché. Il aurait fallu que je saute sur un autre comme un écureuil. Heureusement que l’on est agile, nous autres!» Il tira son épée et en donna quelques bons coups à chacun dans la poitrine puis il rejoignit les cavaliers et leur dit:-

Le travail est fait, je leur ai donné le coup de grâce à tous les deux. Ça a été dur. Ils avaient dû arracher des arbres pour se défendre. Mais ça ne sert à rien quand on a affaire à quelqu’un qui en tue sept, comme moi, d’un seul coup.

– N’êtes-vous pas blessé? demandèrent les cavaliers.

– Ils ne m’ont même pas défrisé un cheveu, répondit le tailleur. Les cavaliers ne voulurent pas le croire sur parole et ils entrèrent dans le bois. Ils y trouvèrent les géants nageant dans leur sang et, tout autour, il y avait des arbres arrachés.

Le petit tailleur réclama le salaire promis par le roi. Mais celui-ci se déroba et chercha comment il pourrait se débarrasser du héros.