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«Ne t’inquiète pas», répondit-elle, «c’est un rêve que j’ai fait.»

«Qu’as-tu rêvé encore?» demanda-t-il.

«J’ai rêvé que dans un pays il y a un arbre qui portait toujours des pommes d’or, et qui n’a plus même de feuilles: quelle en pourrait être la cause?»

«Ah, Si on le savait!» répliqua le diable, «il y a une souris qui ronge la racine; on n’aurait qu’à la tuer, il reviendrait des pommes d’or sur l’arbre; mais si elle continue à le ronger, l’arbre mourra tout à fait. Maintenant laisse-moi en repos avec tes rêves. Si tu me réveilles encore, je te donnerai un soufflet.»

L’hôtesse l’apaisa et se remit à lui chercher ses poux jusqu’à ce qu’il fût rendormi et ronfla. Alors elle saisit le troisième cheveu d’or et l’arracha. Le diable se leva en criant et voulait la battre; elle le radoucit encore en disant: «Qui peut se garder d’un mauvais rêve?»

«Qu’as-tu donc rêvé encore?» demanda-t-il avec curiosité.

«J’ai rêvé d’un passeur qui se plaignait de toujours passer l’eau avec sa barque, sans que personne le remplaçât Jamais.»

«Hé, le sot!», répondit le diable, «le premier qui viendra pour passer la rivière, il n’a qu’à lui mettre sa rame à la main, il sera libre et l’autre sera obligé de faire le passeur à son tour.»

Comme l’hôtesse lui avait arraché les trois cheveux d’or, et qu’elle avait tiré de lui les trois réponses, elle le laissa en repos, et il dormit jusqu’au matin.

Quand le diable eut quitté la maison, la vieille prit la fourmi dans les plis de sa robe et rendit au jeune homme sa figure humaine. «Voilà les trois cheveux», lui dit-elle, «mais as-tu bien entendu les réponses du diable à tes questions?»

«Très bien», répondit-il «et je m’en souviendrai.»

«Te voilà donc hors d’embarras», dit-elle, «et tu peux reprendre ta route.»

Il remercia la vieille qui l’avait si bien aidé, et sortit de l’enfer, fort joyeux d’avoir si heureusement réussi.

Quand il arriva au passeur, avant de lui donner la réponse promise, il se fit d’abord passer de l’autre côté, et alors il lui fit part du conseil donné par le diable: «Le premier qui viendra pour passer la rivière, tu n’as qu’à lui mettre ta rame à la main.»

Plus loin il retrouva la ville à l’arbre stérile; la sentinelle attendait aussi sa réponse: «Tuez la souris qui ronge les racines», dit-il, «et les pommes d’or reviendront.» La sentinelle, pour le remercier, lui donna deux ânes chargés d’or.

Enfin il parvint à la ville dont la fontaine était à sec. Il dit à la sentinelle: «Il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; cherchez-le et tuez-le, et le vin recommencera à couler en abondance.» La sentinelle le remercia et lui donna encore deux ânes chargés d’or.

Enfin l’enfant né coiffé revint près de sa femme, qui se réjouit dans son cœur en le voyant de retour et en apprenant que tout s’était bien passé. Il remit au roi les trois cheveux d’or du diable. Celui-ci, en apercevant les quatre ânes chargés d’or, fut grandement satisfait et lui dit: «Maintenant toutes les conditions sont remplies et ma fille est à toi. Mais, mon cher gendre, dis-moi d’où te vient tant d’or? car c’est un trésor énorme que tu rapportes.»

«Je l’ai pris», dit-il, «de l’autre côté d une rivière que j’ai traversée; c’est le sable du rivage.»

«Pourrais-je m’en procurer autant?» lui demanda le roi, qui était un avare.

«Tant que vous voudrez», répondit-il, «vous trouverez un passeur, adressez-vous à lui pour passer l’eau, et vous pourrez remplir vos sacs.»

L’avide monarque se mit aussitôt en route, et, arrivé au bord de l’eau, il fit signe au passeur de lui amener sa barque. Le passeur le fit entrer, et, quand ils furent sur l’autre bord, il lui mit la rame à la main et sauta dehors. Le roi devint ainsi passeur en punition de ses péchés.

«L’est-il encore?»

«Eh! sans doute, puisque personne ne lui a repris la rame.»

Les Trois enfants gâtés de la fortune

Un père appela un jour ses trois fils. Au premier il donna un coq, au deuxième une faux et au troisième un chat.

– Je me fais vieux, dit-il, le moment approche et avant de mourir je voudrais bien m’occuper de votre avenir. Je n’ai pas d’argent et ce que je vous donne là n’a, à première vue, qu’une faible valeur. Mais parfois on ne doit pas se fier aux apparences. Ce qui est important est la manière dont vous saurez vous en servir. Trouvez un pays où l’on ne connaît pas encore ces serviteurs et vous serez heureux.

Après la mort du père, l’aîné prit le coq et s’en alla dans le monde, mais partout où il allait les gens connaissaient les coqs. D’ailleurs, dans les villes, il les voyait de loin sur la pointe des clochers, tournant au vent. Et dans les villages, il en entendit chanter un grand nombre. Personne ne s’extasiait devant son coq et rien ne faisait penser qu’il puisse lui porter bonheur. Un jour, néanmoins, il finit par trouver sur une île des gens qui n’avaient jamais vu de coq de leur vie. Ils n’avaient aucune notion du temps et ne savaient pas le compter. Ils distinguaient le matin du soir, mais la nuit tombée, s’ils ne dormaient pas, aucun d’eux ne savait dans combien de temps le jour allait se lever.

Le garçon se mit à les interpeller:

– Approchez, approchez! Regardez cet animal fier! Il a une couronne de rubis sur la tête et des éperons comme un chevalier. Trois fois dans la nuit il vous annoncera la progression du temps, et quand il appellera pour la troisième fois, le soleil se lèvera aussitôt. S’il chante dans la journée, vous pourrez être sûrs et certains que le temps va changer et vous pourrez prendre vos précautions.

Les gens étaient en extase devant le coq; ils restèrent éveillés toute la nuit pour écouter avec ravissement, à deux heures, puis à quatre heures et enfin à six heures le coq chanter à tue-tête pour leur annoncer l’heure. Le lendemain matin, ils demandèrent au garçon de leur vendre le coq et de leur dire son prix.

– Autant d’or qu’un âne puisse porter, répondit-il.

– Si peu? Pour un tel animal? crièrent les habitants de l’île plus fort les uns que les autres. Et ils lui donnèrent volontiers ce qu’il avait demandé.

Le garçon rentra à la maison avec l’âne et toute sa richesse et ses frères en furent époustouflés. Le deuxième décida:

– J’irai, moi aussi, dans le monde! On verra si j’ai autant de chance.

Il marcha et marcha, et rien n’indiquait qu’il aurait autant de réussite avec sa faux; partout il rencontrait des paysans avec une faux sur l’épaule. Un jour, enfin, le destin le dirigea sur une île dont les habitants n’avaient jamais vu de faux de leur vie. Lorsque le seigle était mûr, les villageois amenaient des canons sur les champs et tiraient sur le blé. C’était, tout compte fait, pur hasard: un coup ils tiraient trop haut, un coup ils touchaient les épis à la place des tiges, et beaucoup de graines étaient ainsi perdues sans parler du fracas pendant la moisson. Insoutenable!