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Le paysan s’apprêtait un jour à aller abattre du bois dans la forêt et il se disait à lui-même:

– Ah! si j’avais quelqu’un qui voulût conduire ma charrette!

– Père, s’écria Tom Pouce, je la conduirai bien, vous pouvez vous reposer sur moi, elle arrivera dans le bois à temps.

L’homme se mit à rire.

– Comment cela est-il possible, dit-il, tu es beaucoup trop petit pour conduire, le cheval par la bride.

– Ça ne fait rien, si maman veut atteler je m’installerai dans l’oreille du cheval et je lui crierai où il faudra qu’il aille.

– Eh bien, dit le père, nous allons essayer.

La mère attela et installa Tom Pouce dans l’oreille du cheval. Le petit homme lui cria le chemin qu’il fallait prendre. «Hue! dia! Rue! dia!» et le cheval marcha ainsi, comme, s’il eût été guidé, par un véritable charretier; la charrette arriva dans le bois par la bonne route.

Au moment où la voiture tournait au coin d’une haie, tandis que, le petit criait: Dia, Dia! deux étrangers vinrent à passer.

– Voilà, s’écria l’un d’eux, une charrette qui marche sans que l’on voie le charretier et cependant on entend sa voix.

– C’est étrange, en effet, dit l’autre, suivons-la et voyons où elle s’arrêtera.

Elle poursuivit sa route et s’arrêta juste à l’endroit où se trouvait le bois abattu.

Quand Tom Pouce, aperçut son père, il lui cria:

– Vois-tu, père, me voilà avec la voiture, maintenant viens me faire descendre.

Le père saisit la bride du cheval de la main gauche et de la main droite retira de l’oreille son fils et le déposa à terre. Celui-ci s’assit joyeusement sur un fétu. En voyant Tom Pouce les deux étrangers ne surent que dire dans leur étonnement.

L’un d’eux prit l’autre à part et lui dit:

– Écoute, ce petit être ferait notre fortune si nous l’exhibions pour de l’argent dans une grande ville. Achetons-le.

Ils s’adressèrent au paysan et lui dirent:

– Vendez-nous ce petit bonhomme, nous en aurons bien soin.

– Non, répond le père, c’est mon enfant et il n’est pas à vendre pour tout l’or du monde.

Cependant, en entendant cette proposition, Tom Pouce avait grimpé le long des plis des vêtements de son Père. Il se posa sur son épaule et de là lui souffla dans l’oreille:

– Livrez-moi toujours, père, je saurai bien revenir.

Son père le donna donc aux deux hommes pour une belle pièce d’or.

– Où veux-tu te, mettre lui demandèrent-ils.

– Posez-moi sur le bord de votre chapeau, je pourrai m’y promener et voir le paysage; je ne tomberai pas.

Ils firent comme il le demanda et quand Tom Pouce eut fait ses adieux à son père ils l’emmenèrent avec eux. Ils marchèrent ainsi jusqu’au soir. À ce moment le petit homme leur dit:

– Posez-moi un peu par terre, j’ai besoin de descendre.

L’homme ôta son chapeau et en retira Tom Pouce qu’il déposa dans un champ près de la route. Aussitôt il s’enfuit parmi les mottes de terre, puis il se glissa dans un trou de souris qu’il avait cherché exprès.

– Bonsoir, mes amis, rentrez sans moi, leur cria-t-il d’un ton moqueur.

Ils voulurent le rattraper et fourragèrent avec des baguettes le trou de souris, peine perdue. Tom Pouce s’y enfonça toujours plus avant, et, comme la nuit était venue tout à fait, ils durent rentrer chez eux en colère et les mains vides.

Quand ils furent partis, Tom Pouce sortit de sa cachette souterraine. Il est dangereux de s’aventurer de nuit dans les champs, on a vite fait de se casser une jambe. Il rencontra par bonheur une coque vide d’escargot.

– Je pourrai passer ici la nuit en sûreté; et il s’y installa. Sur le point de s’endormir, il entendit passer deux hommes dont l’un dit:

– Comment s’y prendre pour dérober son or et son argent à ce richard de curé?

– Je vais vous le dire, interrompit Tom Pouce.

– Que veut dire ceci s’écria l’un des voleurs effrayés; j’ai entendu quelqu’un parler.

Ils s’arrêtèrent et prêtèrent l’oreille. Tom Pouce répéta:

– Emmenez-moi, je vous aiderai.

– Mais où es-tu?

– Cherchez par, terre, répondit-il, et du côté d’où vient la voix.

Les voleurs finirent par le trouver.

– Comment peux-tu avoir la prétention de nous être utile, petit drôle? lui demandèrent-ils.

– Je me glisserai à travers les barreaux dans la fenêtre du curé, et vous passerai tout ce que vous voudrez.

– C’est bien, répondirent-ils, nous allons voir ce que tu sais faire.

Quand ils furent arrivés au presbytère, Tom Pouce se coula dans la chambre du curé, puis il se mit à crier de toutes ses forces:

– Voulez-vous tout ce qu’il y a ici?

Les voleurs furent effrayés et ils lui dirent:

– Parle plus bas, tu vas éveiller tout le monde.

Mais Tom Pouce feignit de ne pas avoir entendu et cria de nouveau:

– Qu’est-ce que vous désirez? Voulez-vous tout ce qu’il y a ici?

La servante qui reposait dans la chambre contiguë entendit ces mots, elle se leva sur son séant et prêta l’oreille. Les voleurs avaient commencé à battre en retraite, mais ils reprirent courage, et, pensant que le petit drôle voulait s’amuser à leurs dépens, ils revinrent sur leurs pas et lui dirent tout bas:

– Allons, sois sérieux et passe-nous quelque chose.

Alors Tom Pouce cria encore une fois, le plus fort qu’il put:

– Je vous passerai tout; tendez-moi les mains.

Cette fois, la servante entendit bien nettement, elle sauta à bas de son lit et se précipita vers la porte. Les voleurs s’enfuirent comme si le diable eût été à leurs trousses, mais n’ayant rien remarqué, la servante alla allumer une chandelle. Quand elle revint, Tom Pouce alla se cacher dans le foin, et la servante, ayant fouillé, partout sans avoir rien pu découvrir, crut avoir rêvé les yeux ouverts et alla se recoucher.

Tom Pouce s’était blotti dans le foin et s’y était arrangé une bonne, place, pour dormir; il comptait s’y reposer jusqu’au jour et puis retourner chez ses parents. Mais il dut en voir bien d’autres, car ce monde est plein de peines et de, misères. La servante se leva dès l’aurore, pour donner à manger aux bestiaux. Sa première visite fut pour la grange où elle prit une brassée du foin là où se trouvait précisément endormi le pauvre Tom. Mais il dormait d’un sommeil si profond qu’il ne s’aperçut de rien et ne s’éveilla que quand il fut dans la bouche d’une vache qui l’avait pris avec son foin.