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– Mon Dieu! s’écria-t-il, me voilà dans le moulin à foulon.

Mais il se rendit bientôt compte où il se, trouvait réellement. Il prit garde, de ne pas se laisser broyer entre les dents, et finalement glissa dans la gorge et dans la panse. «Les fenêtres ont été oubliées dans cet appartement, se dit-il, et l’on n’y voit ni le soleil, ni chandelle.» Ce, séjour lui déplut beaucoup et, ce qui aggravait encore la situation, c’est qu’il arrivait toujours du nouveau foin et que l’espace qu’il occupait devenait de plus en plus, étroit. Il se mit à crier le plus haut qu’il put:

– Ne m’envoyez plus de fourrage, ne m’envoyez plus de fourrage!

La servante à ce moment était justement en train de traire la vache. En entendant parler sans voir personne, et, reconnaissant la même voix que celle qui l’avait déjà éveillée la nuit, elle fut prise d’une telle frayeur qu’elle tomba de son tabouret et répandit son lait.

Elle alla en toute hâte trouver son maître et lui cria:

– Ah! grand Dieu, monsieur le curé, la vache parle.

– Tu es folle, répondit le prêtre.

Il se rendit cependant à l’étable afin de s’assurer de ce, qui se passait.

À peine y eut-il mis le pied que Tom Pouce s’écria de nouveau:

– Ne m’envoyez plus de fourrage, ne m’envoyez plus, de fourrage.

La frayeur gagna le curé lui-même et, s’imaginant qu’il y avait un diable dans le corps de la vache, il dû qu’il fallait la tuer. Ainsi fut fait, et l’on jeta au fumier la panse, où se trouvait le pauvre Tom Pouce.

Il eut beaucoup de mal à se démêler de là et il commençait à passer sa tête quand survint un nouveau malheur. Un loup affamé qui passait par là avala la panse de la vache avec le petit bonhomme d’une seule bouchée. Tom Pouce ne perdit pas courage. «Peut-être, se dit-il, ce loup sera-t-il traitable.» Et de son ventre où il était enfermé il lui cria:

– Cher loup, je, vais t’indiquer un bon repas à faire.

– Et où cela? dit le loup.

Dans telle et telle maison; tu n’auras qu’à te glisser par le soupirail de la cuisine, et tu trouveras des gâteaux, du lard, des saucisses à bouche que veux-tu.

Et il lui indiqua exactement la maison de son père.

Le loup ne se le fit pas dire deux fois. Il s’introduisit de nuit dans le soupirail et s’en donna à cœur joie dans le buffet aux provisions. Quand il fut repu et qu’il voulut sortir il s’était tellement gonflé de nourriture qu’il ne put venir à bout de repasser par la même voie. C’est là-dessus que Tom Pouce avait compté. Aussi commença-t-il à faire dans le ventre du loup un vacarme effroyable, hurlant et gambadant tant qu’il put.

– Veux-tu te tenir en repos, dit le loup; tu vas éveiller le monde.

– Eh quoi! répondit le petit homme, tu t’es régalé, je veux m’amuser aussi moi.

Et il recommença son tapage.

Il finit par éveiller son père et sa mère qui se mirent à regarder dans la cuisine par la serrure. Quand ils virent le loup, ils coururent s’armer, l’homme d’une hache, la femme d’une faux.

– Reste derrière, dit l’homme, à la femme au moment d’entrer, je vais lui asséner un coup avec ma hache, et s’il n’en meurt pas du coup, tu lui couperas le ventre.

Tom Pouce qui entendit la voix de son père lui cria:

– Cher père, c’est moi, je suis dans le ventre du loup.

– Notre cher enfant nous est rendu! s’écria le père plein de joie.

Et il ordonna à sa femme de mettre la faux de côté afin de ne pas blesser Tom Pouce. Puis il leva sa hache et en porta au loup un coup qui l’étendit mort. Il lui ouvrit ensuite le ventre avec des ciseaux et un couteau et en tira le petit Tom.

– Ah! dit le père, que nous avons été inquiets sur ton sort!

– Oui, père, j’ai beaucoup couru le monde, heureusement que je puis enfin reprendre l’air frais.

– Où as-tu donc été?

– Ah! père, j’ai été dans un trou de souris, dans la panse d’une vache et dans le ventre d’un loup. Mais maintenant je veux rester avec vous.

– Nous ne te vendrons plus pour tout l’or du monde, dirent les parents en l’embrassant et le serrant contre leur cœur.

Ils lui donnèrent à manger et à boire, et lui firent confectionner d’autres vêtements, car les siens avaient été gâtés pendant le voyage.

Les Trois cheveux d’or du Diable

Il était une fois une pauvre femme qui mit au monde un fils, et, comme il était coiffé quand il naquit, on lui prédit que dans sa quatorzième année, il épouserait la fille du roi.

Sur ces entrefaites, le roi passa par le village, sans que personne le reconnût; et comme il demandait ce qu’il y avait de nouveau, on lui répondit qu’il venait de naître un enfant coiffé, que tout ce qu’il entreprendrait lui réussirait, et qu’on lui avait prédit que, lorsqu’il aurait quatorze ans, il épouserait la fille du roi.

Le roi avait un mauvais cœur et cette prédiction le fâcha. Il alla trouver les parents du nouveau-né, et leur dit d’un air tout amical: «Vous êtes de pauvres gens, donnez-moi votre enfant, j’en aurai bien soin.» Ils refusèrent d’abord; mais l’étranger leur offrit de l’or, et ils se dirent: «Puisque l’enfant est né coiffé, ce qui arrive est pour son bien.» Ils finirent par consentir et par livrer leur fils.

Le roi le mit dans une boîte, et chevaucha avec ce fardeau jusqu’au bord d’une rivière profonde où il le jeta, en pensant qu’il délivrait sa fille d’un galant sur lequel elle ne comptait guère. Mais la boîte, loin de couler à fond, se mit à flotter comme un petit batelet, sans qu’il entrât dedans une seule goutte d’eau; elle alla ainsi à la dérive jusqu’à deux lieues de la capitale, et s’arrêta contre l’écluse d’un moulin.

Un garçon meunier qui se trouvait là par bonheur l’aperçut et l’attira avec un croc; il s’attendait en l’ouvrant à y trouver de grands trésors: mais c’était un joli petit garçon, frais et éveillé. Il le porta au moulin; le meunier et sa femme, qui n’avaient pas d’enfants, reçurent celui-là comme Si Dieu le leur eût envoyé. Ils traitèrent de leur mieux le petit orphelin, qui grandit chez eux en forces et en bonnes qualités.

Un jour le roi, surpris par la pluie, entra dans le moulin et demanda au meunier Si ce grand jeune homme était son fils. «Non, sire», répondit-il, «c’est un enfant trouvé qui est venu dans une boîte échouer contre notre écluse, il y a quatorze ans; notre garçon meunier l’a tiré de l’eau.»

Le roi reconnut alors que c’était l’enfant né coiffé qu’il avait jeté à la rivière. «Bonnes gens», dit-il, «ce jeune homme ne pourrait-il pas porter une lettre de ma part à la reine? Je lui donnerais deux pièces d’or pour sa peine.»