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– Mais, ma femme, dit-il, tu es tout à fait folle. Comment, il ne te suffit pas de régner sur un immense et riche empire?

– Non, dit-elle, cela me vexe, de ne pas pouvoir faire se lever ou se coucher le soleil, la lune et les astres. Il me faut pouvoir leur commander comme le bon Dieu.

– Mais enfin, cela passe le pouvoir de ce bon cabillaud; il se fâchera à la fin, si je viens l’importuner avec une demande aussi insensée.

– Un empereur n’admet pas d’observations, répliqua-t-elle avec colère; fais ce que je t’ordonne, et cela, sur-le-champ.

Le brave Pierre, le cœur tout en émoi, se mit en route. Il s’était levé une affreuse tempête, qui courbait les arbres les plus forts des forêts, et faisait trembler les rochers; au milieu du tonnerre et des éclairs, le pêcheur atteignit avec peine la plage. Les vagues de la mer étaient hautes comme des tours, et se poussaient les unes les autres avec un épouvantable fracas.

– Cabillaud, cher cabillaud, s’écria Pierre, ma femme, mon Isabelle, malgré moi, elle veut encore une dernière chose.

– Qu’est-ce donc? dit le poisson, qui apparut aussitôt.

– J’ose à peine le dire, répondit Pierre; elle veut être toute-puissante comme le bon Dieu.

– Retourne chez toi, dit le cabillaud, et tu la trouveras dans la pauvre cabane, d’où je l’avais tirée.

Et, en effet, palais et splendeurs avaient disparu; l’insatiable Isabelle, vêtue de haillons, se tenait sur un escabeau dans son ancienne misérable hutte. Pierre en prit vite son parti, et retourna à ses filets; mais jamais plus sa femme n’eut un moment de bonheur.

Le Petit Chaperon rouge

Il était une fois une petite fille que tout le monde aimait bien, surtout sa grand-mère. Elle ne savait qu’entreprendre pour lui faire plaisir. Un jour, elle lui offrit un petit bonnet de velours rouge, qui lui allait si bien qu’elle ne voulut plus en porter d’autre. Du coup, on l’appela «Chaperon rouge».

Un jour, sa mère lui dit:

– Viens voir, Chaperon rouge: voici un morceau de gâteau et une bouteille de vin. Porte-les à ta grand-mère; elle est malade et faible; elle s’en délectera; fais vite, avant qu’il ne fasse trop chaud. Et quand tu seras en chemin, sois bien sage et ne t’écarte pas de ta route, sinon tu casserais la bouteille et ta grand-mère n’aurait plus rien. Et quand tu arriveras chez elle, n’oublie pas de dire «Bonjour» et ne va pas fureter dans tous les coins.

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– Je ferai tout comme il faut, dit le Petit Chaperon rouge à sa mère.

La fillette lui dit au revoir. La grand-mère habitait loin, au milieu de la forêt, à une demi-heure du village. Lorsque le Petit Chaperon rouge arriva dans le bois, il rencontra le Loup. Mais il ne savait pas que c’était une vilaine bête et ne le craignait point.

– Bonjour, Chaperon rouge, dit le Loup.

– Bonjour, Loup, dit le Chaperon rouge.

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– Où donc vas-tu si tôt, Chaperon rouge?

– Chez ma grand-mère.

– Que portes-tu dans ton panier?

– Du gâteau et du vin. Hier nous avons fait de la pâtisserie, et ça fera du bien à ma grand-mère. Ça la fortifiera.

– Où habite donc ta grand-mère, Chaperon rouge?

– Oh! à un bon quart d’heure d’ici, dans la forêt. Sa maison se trouve sous les trois gros chênes. En dessous, il y a une haie de noisetiers, tu sais bien? dit le petit Chaperon rouge.

Le Loup se dit: «Voilà un mets bien jeune et bien tendre, un vrai régal! Il sera encore bien meilleur que la vieille. Il faut que je m’y prenne adroitement pour les attraper toutes les eux!»

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Il l’accompagna un bout de chemin et dit:

– Chaperon rouge, vois ces belles fleurs autour de nous. Pourquoi ne les regardes-tu pas? J’ai l’impression que tu n’écoutes même pas comme les oiseaux chantent joliment. Tu marches comme si tu allais à l’école, alors que tout est si beau, ici, dans la forêt!

Le Petit Chaperon rouge ouvrit les yeux et lorsqu’elle vit comment les rayons du soleil dansaient de-ci, de-là à travers les arbres, et combien tout était plein de fleurs, elle pensa: «Si j’apportais à ma grand-mère un beau bouquet de fleurs, ça lui ferait bien plaisir. Il est encore si tôt que j’arriverai bien à l’heure.»

Elle quitta le chemin, pénétra dans le bois et cueillit des fleurs. Et, chaque fois qu’elle en avait cueilli une, elle se disait: «Plus loin, j’en vois une plus belle»; et elle y allait et s’enfonçait toujours plus profondément dans la forêt. Le Loup lui, courait tout droit vers la maison de la grand-mère. Il frappa à la porte.

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– Qui est là?

– C’est le Petit Chaperon rouge qui t’apporte du gâteau et du vin.

– Tire la chevillette, dit la grand-mère. Je suis trop faible et ne peux me lever.

Le Loup tire la chevillette, la porte s’ouvre et sans dire un mot, il s’approche du lit de la grand-mère et l’avale. Il enfile ses habits, met sa coiffe, se couche dans son lit et tire les rideaux.

Pendant ce temps, le petit Chaperon Rouge avait fait la chasse aux fleurs. Lorsque la fillette en eut tant qu’elle pouvait à peine les porter, elle se souvint soudain de sa grand-mère et reprit la route pour se rendre auprès d’elle. Elle fut très étonnée de voir la porte ouverte. Et lorsqu’elle entra dans la chambre, cela lui sembla si curieux qu’elle se dit: «Mon dieu, comme je suis craintive aujourd’hui. Et, cependant, d’habitude, je suis si contente d’être auprès de ma grand-mère!» Elle s’écria:

– Bonjour!

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Mais nulle réponse. Elle s’approcha du lit et tira les rideaux. La grand-mère y était couchée, sa coiffe tirée très bas sur son visage. Elle avait l’air bizarre.

– Oh, grand-mère, comme tu as de grandes oreilles.

– C’est pour mieux t’entendre…

– Oh! grand-mère, comme tu as de grands yeux!

– C’est pour mieux te voir!

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– Oh! grand-mère, comme tu as de grandes mains!

– C’est pour mieux t’étreindre…

– Mais, grand-mère, comme tu as une horrible et grande bouche!