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– Mais pas du tout! répondit avec pétulance le nouveau jeune homme. Jamais je ne me suis senti aussi bien: j’y étais comme dans un bain de rosée. Ce que ce petit jeune homme lui avait dit résonna dans les oreilles de la vieille femme toute la nuit. Le lendemain matin, de bonne heure, dès que le Seigneur fut reparti sur son chemin, le forgeron se dit, après mûre réflexion, qu’il pourrait aussi rajeunir sa belle-mère de la même façon, car il avait bien observé et attentivement suivi tous les détails de l’opération et, somme toute, cela relevait également de son art. Aussi, lorsqu’il lui demanda tout à trac si elle n’aimerait pas aller et venir dans la maison en sautant comme une fille de dix-huit ans, la vieille femme lui répondit-elle que ce serait avec plaisir, puisque la chose avait été si douce et délicieuse au jeune homme de la veille. Le forgeron activa donc le feu de sa forge et y jeta la vieille quand il fut bien ardent; mais voilà qu’elle se tordit dans tous les sens en poussant des cris affreux. «Du calme! lui cria-t-il. Qu’as-tu donc à t’agiter comme cela et à hurler comme une pendue? Il faut d’abord que je te fasse un feu vigoureux!» Il se mit au soufflet et activa le brasier de plus belle, si bien que tout brûla sur la pauvre vieille femme, qui hurlait à la mort sans discontinuer. «Mon métier n’est pas suffisant!», pensa le forgeron en la retirant bien vite du foyer pour la plonger dans l’eau du bac à trempe, où la malheureuse se mit à hurler encore plus fort qu’avant, si fort et si désespérément que ses cris ameutèrent là-haut, à l’étage, la femme et la bru du forgeron. Toutes les deux descendent les marches quatre à quatre, et que voient-elles? L’aïeule qui piaule et miaule lugubrement, plongée dans le bac de forge, le corps tout racorni, le visage atrocement déformé, tordu, ratatiné. Le spectacle était si horrible et les deux femmes, qui étaient enceintes l’une et l’autre, en reçurent un tel choc, qu’elles accouchèrent toutes les deux dans la nuit même, et que leurs deux enfants ne furent pas conformés comme des humains, mais comme de petits singes, qui s’en allèrent courir dans la forêt. Ce sont eux qui ont commencé la famille et donné origine à l’espèce des singes.

La Petite table, l’âne et le bâton

Il y a bien longtemps, il était un tailleur qui avait trois fils et une seule chèvre.

La chèvre devait les nourrir tous les trois avec son lait; il fallait qu’elle mangeât bien et qu’on la menât tous les jours aux champs. Les fils s’en occupaient chacun à son tour.

Un jour, l’aîné la mena au cimetière, où l’herbe était la plus belle, la laissa là à manger et à gambader. Le soir, quand le moment fut venu de rentrer à la maison, il demanda:

– Alors, chèvre, es-tu repue?

La chèvre répondit:

– J’ai tant mangé que je ne peux plus avaler – bê, bê, bê, bê!

– Eh bien! viens à la maison, dit le garçon.

Il la prend par sa corde, la conduit à l’écurie et l’attache.

– Alors, demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?

– Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu’elle ne peut plus rien avaler.

Le père voulut s’en rendre compte par lui-même. Il alla à l’écurie, caressa la chère petite chèvre et demanda:

– Chèvre, es-tu repue?

La chèvre répondit:

– De quoi devrais-je être repue? Parmi les tombes j’ai couru pour me nourrir rien n’ai trouvé bê, bê, bê, bê!

– Qu’entends-je! s’écria le tailleur. Il rentre à la maison et dit au garçon:

– Ah, menteur, tu dis que la chèvre est repue et tu l’as laissée sans nourriture! Et, dans sa colère, il prend une canne et en bat son fils en le jetant dehors.

Le lendemain, c’était au tour du second fils. Il chercha dans le jardin un coin où poussaient de belles herbes et la chèvre s’en régala. Le soir, comme il voulait rentrer, il demanda:

– Chèvre, es-tu repue?

La chèvre répondit:

– J’ai tant mangé que je ne peux plus avaler – bê, bê, bê, bê!

– Alors, rentre à la maison, dit le garçon.

Il la tira vers la maison, l’attacha dans l’écurie.

– Eh bien? demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?

– Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu’elle ne peut plus rien avaler. Le tailleur n’avait pas confiance. Il se rendit à l’écurie et demanda:

– Chèvre, es-tu repue?

La chèvre répondit:

– De quoi devrais-je être repue? Parmi les sillons j’ai couru pour me nourrir n’ai rien trouvé bê, bê, bê bê!

– L’impudent mécréant! s’écria le tailleur. Laisser sans nourriture un animal si doux!

Il rentre à la maison et, à coups d’aune, met le garçon à la porte.

C’est maintenant au tour du troisième fils. il veut bien faire les choses, recherche les taillis les plus touffus et y fait brouter la chèvre. Le soir, comme il veut rentrer, il demande à la chèvre:

– Chèvre, es-tu repue?

La chèvre répondit:

– J’ai tant mangé que je ne peux plus avaler – bê, bê, bê, bê!

– Alors viens à la maison, dit le garçon.

Et il la conduisit à l’écurie et l’attacha.

– Eh bien? demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?

– Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu’elle ne peut plus rien avaler. Le tailleur ne le croit pas.

Il sort et demande:

– Chèvre, es-tu repue?

La méchante bête répondit:

– De quoi devrais-je être repue? Parmi les sillons j’ai couru pour me nourrir n’ai rien trouvé – bê, bê, bê, bê!

– Ah! le vilain menteur, s’écria le tailleur. Ils sont aussi fourbes et oublieux du devoir l’un que l’autre! Vous ne me ferez pas plus longtemps tourner en bourrique!

Et, de colère hors de lui, il rentre à la maison, frappe le pauvre garçon avec l’aune, si fort qu’il le jette par la porte.

Et voilà le vieux tailleur seul avec sa chèvre. Le lendemain matin, il va à l’écurie, caresse la chèvre et dit:

– Viens, ma mignonne, je vais te conduire moi-même au champ.

Il la prend par sa longe et la mène là où se trouvent les baies que les chèvres mangent avec le plus de plaisir.

– Pour une fois, tu peux y aller de bon cœur, lui dit-il, et il la laissa brouter jusqu’au soir. Il demanda alors:

– Chèvre, es-tu repue?

Elle répondit: