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Grethel, elle, courut aussi vite qu'elle le pouvait chez Hansel. Elle ouvrit la petite étable et dit:

– Hansel, nous sommes libres! La vieille sorcière est morte!

Hansel bondit hors de sa prison, aussi rapide qu'un oiseau dont on vient d'ouvrir la cage. Comme ils étaient heureux! Comme ils se prirent par le cou, dansèrent et s'embrassèrent! N'ayant plus rien à craindre, ils pénétrèrent dans la maison de la sorcière. Dans tous les coins, il y avait des caisses pleines de perles et de diamants.

– C'est encore mieux que mes petits cailloux! dit Hansel en remplissant ses poches.

Et Grethel ajouta

– Moi aussi, je veux en rapporter à la maison!

Et elle en mit tant qu'elle put dans son tablier.

– Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous voulons fuir cette forêt ensorcelée.

Au bout de quelques heures, ils arrivèrent sur les bords d'une grande rivière.

– Nous ne pourrons pas la traverser, dit Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont.

– On n'y voit aucune barque non plus, dit Grethel. Mais voici un canard blanc. Si Je lui demande, il nous aidera à traverser. Elle cria:

– Petit canard, petit canard,

Nous sommes Hansel et Grethel.

Il n'y a ni barque, ni gué, ni pont,

Fais-nous passer avant qu'il ne soit tard.

Le petit canard s'approcha et Hansel se mit à califourchon sur son dos. Il demanda à sa sœur de prendre place à côté de lui.

Contes Merveilleux Tome I pic_23.jpg

Dessin de Walter Crane

– Non, répondit-elle, ce serait trop lourd pour le canard. Nous traverserons l'un après l'autre.

La bonne petite bête les mena ainsi à bon port. Quand ils eurent donc passé l'eau sans dommage, ils s'aperçurent au bout de quelque temps que la forêt leur devenait de plus en plus familière. Finalement, ils virent au loin la maison de leur père. Ils se mirent à courir, se ruèrent dans la chambre de leurs parents et sautèrent au cou de leur père. L'homme n'avait plus eu une seule minute de bonheur depuis qu'il avait abandonné ses enfants dans la forêt. Sa femme était morte. Grethel secoua son tablier et les perles et les diamants roulèrent à travers la chambre. Hansel en sortit d'autres de ses poches, par poignées. C'en était fini des soucis. Ils vécurent heureux tous ensemble.

Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur

Un père avait deux fils. Le premier était réfléchi et intelligent. Il savait se tirer de toute aventure. Le cadet en revanche était sot, incapable de comprendre et d'apprendre. Quand les gens le voyaient, ils disaient: «Avec lui, son père n'a pas fini d'en voir.» Quand il y avait quelque chose à faire, c'était toujours à l'aîné que revenait la tâche, et si son père lui demandait d'aller chercher quelque chose, le soir ou même la nuit, et qu'il fallait passer par le cimetière ou quelque autre lieu terrifiant, il répondait: «Oh non! père, je n'irai pas, j'ai peur.» Car il avait effectivement peur. Quand, à la veillée, on racontait des histoires à donner la chair de poule, ceux qui les entendaient disaient parfois: «Ça me donne le frisson!» Le plus jeune des fils, lui, assis dans son coin, écoutait et n'arrivait pas à comprendre ce qu'ils voulaient dire. «Ils disent toujours: “ça me donne la chair de poule! ça me fait frissonner!” Moi, jamais! Voilà encore une chose à laquelle je ne comprends rien.» Il arriva qu'un jour son père lui dit:

– Écoute voir, toi, là dans ton coin! Tu deviens grand et fort. Il est temps que tu apprennes à gagner ton pain. Tu vois comme ton frère se donne du mal.

– Eh! père, répondit-il, j'apprendrais bien volontiers. Si c'était possible, je voudrais apprendre à frissonner. C'est une chose que j'ignore totalement.

Lorsqu'il entendit ces mots, l'aîné des fils songea: «Seigneur Dieu! quel crétin que mon frère! Il ne fera jamais rien de sa vie.» Le père réfléchit et dit:

– Tu apprendras bien un jour à avoir peur. Mais ce n'est pas comme ça que tu gagneras ton pain.

Peu de temps après, le bedeau vint en visite à la maison. Le père lui conta sa peine et lui expliqua combien son fils était peu doué en toutes choses.

– Pensez voir! Quand je lui ai demandé comment il ferait pour gagner son pain, il a dit qu'il voulait apprendre à frissonner!

– Si ce n'est que ça, répondit le bedeau, je le lui apprendrai. Confiez-le-moi.

Le père était content; il se disait: «On va le dégourdir un peu.» Le bedeau l'amena donc chez lui et lui confia la tâche de sonner les cloches. Au bout de quelque temps, son maître le réveilla à minuit et lui demanda de se lever et de monter au clocher pour carillonner. «Tu vas voir ce que c'est que d'avoir peur», songeait-il. Il quitta secrètement la maison et quand le garçon fut arrivé en haut du clocher, comme il s'apprêtait à saisir les cordes, il vit dans l'escalier, en dessous de lui, une forme toute blanche.

– Qui va là? cria-t-il.

L'apparition ne répondit pas, ne bougea pas.

– Réponds! cria le jeune homme. Ou bien décampe! Tu n'as rien à faire ici!

Le bedeau ne bougeait toujours pas. Il voulait que le jeune homme le prit pour un fantôme. Pour la deuxième fois, celui-ci cria:

– Que viens-tu faire ici? Parle si tu es honnête homme. Sinon je te jette au bas de l'escalier.

Le bedeau pensa: «Il n'en fera rien.» Il ne répondit pas et resta sans bouger. Comme s'il était de pierre. Alors le garçon l'avertit pour la troisième fois et comme le fantôme ne répondait toujours pas, il prit son élan et le précipita dans l'escalier. L'apparition dégringola d'une dizaine de marches et resta là allongée. Le garçon fit sonner les cloches, rentra à la maison, se coucha sans souffler mot et s'endormit.

La femme du bedeau attendit longtemps son mari. Mais il ne revenait pas. Finalement, elle prit peur, réveilla le jeune homme et lui demanda:

– Sais-tu où est resté mon mari? Il est monté avant toi au clocher.

– Non, répondit-il, je ne sais pas. Mais il y avait quelqu'un dans l'escalier et comme cette personne ne répondait pas à mes questions et ne voulait pas s'en aller, je l'ai prise pour un coquin et l'ai jetée au bas du clocher. Allez-y, vous verrez bien si c'était votre mari. Je le regretterais.

La femme s'en fut en courant et découvrit son mari gémissant dans un coin, une jambe cassée. Elle le ramena à la maison, puis se rendit en poussant de grands cris chez le père du jeune homme:

– Votre garçon a fait des malheurs, lui dit-elle. Il a jeté mon mari au bas de l'escalier, où il s'est cassé une jambe. Débarrassez notre maison de ce vaurien!

Le père était bien inquiet. Il alla chercher son fils et lui dit: