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– Votre Altesse rentre? dit Monsoreau.

– Comme vous voyez, comte.

– C'est bien imprudent à Votre Altesse d'aller ainsi la nuit par les rues.

– Qui vous dit que j'ai été par les rues?

– Dame! cette poussière qui couvre vos habits, monseigneur…

– Monsieur de Monsoreau, dit le prince avec un accent auquel il n'y avait pas à se méprendre, faites-vous donc encore un autre métier que celui de grand veneur?

– Le métier d'espion? oui, monseigneur. Tout le monde s'en mêle aujourd'hui, un peu plus, un peu moins; et moi comme les autres.

– Et que vous rapporte ce métier, monsieur?

– De savoir ce qui se passe.

– C'est curieux, fit le prince en se rapprochant de son timbre pour être à portée d'appeler.

– Très curieux, dit Monsoreau.

– Alors, contez-moi ce que vous avez à me dire.

– Je suis venu pour cela.

– Vous permettez que je m'assoie?

– Pas d'ironie, monseigneur, envers un humble et fidèle ami comme moi, qui ne vient à cette heure et dans l'état où il est que pour vous rendre un signalé service. Si je me suis assis, monseigneur, c'est, sur mon honneur, que je ne puis rester debout.

– Un service? reprit le duc, un service?

– Oui.

– Parlez donc.

– Monseigneur, je viens à Votre Altesse de la part d'un puissant prince.

– Du roi?

– Non, de monseigneur le duc de Guise.

– Ah! dit le prince, de la part du duc de Guise! c'est autre chose. Approchez-vous et parlez bas.

XXII Comment M. le duc d'Anjou signa, et comment, après avoir signé, il parla.

Il se fit un instant de silence entre le duc d'Anjou et Monsoreau. Puis, rompant le premier ce silence:

– Eh bien, monsieur le comte, demanda le duc, qu'avez-vous à me dire de la part de MM. de Guise?

– Beaucoup de choses, monseigneur.

– Ils vous ont donc écrit?

– Oh! non pas; MM. de Guise n'écrivent plus depuis l'étrange disparition de maître Nicolas David.

– Alors, vous avez donc été à l'armée?

– Non, monseigneur; ce sont eux qui sont venus à Paris.

– MM. de Guise sont à Paris! s'écria le duc.

– Oui, monseigneur.

– Et je ne les ai pas vus!

– Ils sont trop prudents pour s'exposer, et pour exposer en même temps Votre Altesse.

– Et je ne suis pas prévenu?

– Si fait, monseigneur, puisque je vous préviens.

– Mais que viennent-ils faire?

– Mais ils viennent, monseigneur, au rendez-vous que vous leur avez donné.

– Moi! je leur ai donné rendez-vous?

– Sans doute, le même jour où Votre Altesse a été arrêtée, elle avait reçu une lettre de MM. de Guise, et elle leur avait fait répondre verbalement par moi-même, qu'ils n'avaient qu'à se trouver à Paris du 31 mai au 2 juin. Nous sommes au 31 mai; si vous avez oublié MM. de Guise, MM. de Guise, comme vous voyez, ne vous ont pas oublié, monseigneur.

François pâlit, Il s'était passé tant d'événements depuis ce jour, qu'il avait oublié ce rendez-vous, si important qu'il fût.

– C'est vrai, dit-il; mais les relations qui existaient à cette époque entre MM. de Guise et moi n'existent plus.

– S'il en est ainsi, monseigneur, dit le comte, vous ferez bien de les en prévenir: car je crois qu'ils jugent les choses tout autrement.

– Comment cela?

– Oui, peut-être vous croyez-vous délié envers eux, monseigneur; mais eux continuent de se croire liés envers vous.

– Piège, mon cher comte, leurre auquel un homme comme moi ne se laisse pas deux fois prendre.

– Et où monseigneur a-t-il été pris une fois?

– Comment! où ai-je été pris? Au Louvre, mordieu!

– Est-ce par la faute de MM. de Guise?

– Je ne dis pas, murmura le duc, je ne dis pas; seulement je dis qu'ils n'ont en rien aidé à ma fuite.

– C'eût été difficile, attendu qu'ils étaient en fuite eux-mêmes.

– C'est vrai, murmura le duc.

– Mais, vous une fois en Anjou, n'ai-je pas été chargé de vous dire, de leur part, que vous pouviez toujours compter sur eux comme ils pouvaient compter sur vous, et que le jour où vous marcheriez sur Paris, ils y marcheraient de leur côté?

– C'est encore vrai, dit le duc; mais je n'ai point marché sur Paris.

– Si fait, monseigneur, puisque vous y êtes.

– Oui; mais je suis à Paris comme l'allié de mon frère.

– Monseigneur me permettra de lui faire observer qu'il est plus que l'allié des Guise.

– Que suis-je donc?

– Monseigneur est leur complice.

Le duc d'Anjou se mordit les lèvres.

– Et vous dites qu'ils vous ont chargé de m'annoncer leur arrivée?

– Oui, Votre Altesse, ils m'ont fait cet honneur.

– Mais ils ne vous ont pas communiqué les motifs de leur retour?

– Ils m'ont tout communiqué, monseigneur, me sachant l'homme de confiance de Votre Altesse, motifs et projets.

– Ils ont donc des projets? Lesquels?

– Les mêmes, toujours.

– Et ils les croient praticables?

– Ils les tiennent pour certains.

– Et ces projets ont toujours pour but?…

Le duc s'arrêta, n'osant prononcer les mots qui devaient naturellement suivre ceux qu'il venait de dire.

Monsoreau acheva la pensée du duc.

– Pour but de vous faire roi de France; oui, monseigneur.

Le duc sentit la rougeur de la joie lui monter au visage.

– Mais, demanda-t-il, le moment est-il favorable?

– Votre sagesse en décidera.

– Ma sagesse?