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– Trois mots.

– Lesquels?

– Les voici: À demain soir!

– O mon Dieu!

– De sorte que si nous voulions, monseigneur, un peu recommencer cet exercice que nous faisions autrefois, eh bien, nous serions sûrs…

– Aurilly, demain soir nous recommencerons.

– Votre Altesse sait que je suis à ses ordres.

– Bien. Ah! Bussy! répéta le duc entre ses dents, Bussy, traître à son seigneur! Bussy, cet épouvantail de tous! Bussy, l'honnête homme… Bussy, qui ne veut pas que je sois roi de France!…

Et le duc, souriant avec une infernale joie, congédia Aurilly pour réfléchir à son aise.

XXI Les guetteurs.

Aurilly et le duc d'Anjou se tinrent mutuellement parole. Le duc retint près de lui Bussy tant qu'il put pendant le jour, afin de ne perdre aucune de ses démarches.

Bussy ne demandait pas mieux que de faire, pendant le jour, sa cour au prince; de cette façon, il avait la soirée libre. C'était sa méthode, et il la pratiquait même sans arrière-pensée.

À dix heures du soir, il s'enveloppa de son manteau, et, son échelle sous le bras, il s'achemina vers la Bastille.

Le duc, qui ignorait que Bussy avait une échelle dans son antichambre, qui ne pouvait croire que l'on marchât seul ainsi dans les rues de Paris, le duc qui pensait que Bussy passerait par son hôtel pour prendre un cheval et un serviteur, perdit dix minutes en apprêts. Pendant ces dix minutes, Bussy, leste et amoureux, avait déjà fait les trois quarts du chemin.

Bussy fut heureux comme le sont d'ordinaire les gens hardis: il ne fit aucune rencontre par les chemins, et, en approchant, il vit de la lumière aux vitres.

C'était le signal convenu entre lui et Diane.

Il jeta son échelle au balcon. Cette échelle, munie de six crampons placés en sens inverses, accrochait toujours quelque chose.

Au bruit, Diane éteignit sa lampe et ouvrit la fenêtre pour assurer l'échelle.

La chose fut faite en un instant.

Diane jeta les yeux sur la place; elle fouilla du regard tous les coins et recoins: la place lui parut déserte.

Alors elle fit signe à Bussy qu'il pouvait monter.

Bussy, sur ce signe, escalada les échelons deux à deux. Il y en avait dix: ce fut l'affaire de cinq enjambées, c'est-à-dire de cinq secondes.

Ce moment avait été heureusement choisi: car, tandis que Bussy montait par la fenêtre, M. de Monsoreau, après avoir écouté patiemment pendant plus de dix minutes à la porte de sa femme, descendait péniblement l'escalier, appuyé sur le bras d'un valet de confiance, lequel remplaçait Remy avec avantage, toutes les fois qu'il ne s'agissait ni d'appareils ni de topiques.

Cette double manœuvre, qu'on eût dite combinée par un habile stratégiste, s'exécuta de cette façon, que Monsoreau ouvrait la porte de la rue juste au moment où Bussy retirait son échelle et où Diane fermait sa fenêtre.

Monsoreau se trouva dans la rue; mais, nous l'avons dit, la rue était déserte, et le comte ne vit rien.

– Aurais-tu été mal renseigné? demanda Monsoreau à son domestique.

– Non, monseigneur, répondit celui-ci. Je quitte l'hôtel d'Anjou, et le maître palefrenier, qui est de mes amis, m'a dit positivement que monseigneur avait commandé deux chevaux pour ce soir. Maintenant, monseigneur, peut-être était-ce pour aller tout autre part qu'ici.

– Où veux-tu qu'il aille? dit Monsoreau d'un air sombre.

Le comte était comme tous les jaloux, qui ne croient pas que le reste de l'humanité puisse être préoccupée d'autre chose que de les tourmenter.

Il regarda autour de lui une seconde fois.

– Peut-être eussé-je mieux fait de rester dans la chambre de Diane, murmura-t-il. Mais peut-être ont-ils des signaux pour correspondre; elle l'eût prévenu de ma présence, et je n'eusse rien su. Mieux vaut encore guetter du dehors, comme nous en sommes convenus. Voyons, conduis-moi à cette cachette, de laquelle tu prétends que l'on peut tout voir.

– Venez, monseigneur, dit le valet.

Monsoreau s'avança, moitié s'appuyant au bras de son domestique, moitié se soutenant au mur.

En effet, à vingt ou vingt-cinq pas de la porte, du côté de la Bastille, se trouvait un énorme tas de pierre provenant de maisons démolies et servant de fortifications aux enfants du quartier lorsqu'ils simulaient les combats, restes populaires des Armagnacs et des Bourguignons.

Au milieu de ce tas de pierres, le valet avait pratiqué une espèce de guérite qui pouvait facilement contenir et cacher deux personnes.

Il étendit un manteau sur ces pierres, et Monsoreau s'accroupit dessus.

Le valet se plaça aux pieds du comte.

Un mousqueton tout chargé était posé à tout événement à côté d'eux.

Le valet voulut apprêter la mèche de l'arme; mais Monsoreau l'arrêta.

– Un instant, dit-il, il sera toujours temps. C'est gibier royal que celui que nous éventons, et il y a peine de la hart pour quiconque porte la main sur lui.

Et ses yeux, ardents comme ceux d'un loup embusqué dans le voisinage d'une bergerie, se portaient des fenêtres de Diane dans les profondeurs du faubourg, et des profondeurs du faubourg dans les rues adjacentes, car il désirait surprendre et craignait d'être surpris.

Diane avait prudemment fermé ses épais rideaux de tapisserie, en sorte qu'à leur bordure seulement filtrait un rayon lumineux, qui dénonçait la vie, dans cette maison absolument noire.

Monsoreau n'était pas embusqué depuis dix minutes, que deux chevaux parurent à l'embouchure de la rue Saint-Antoine.

Le valet ne parla point; mais il étendit la main dans la direction des deux chevaux.

– Oui, dit Monsoreau, je vois.

Les deux cavaliers mirent pied à terre à l'angle de l'hôtel des Tournelles, et ils attachèrent leurs chevaux aux anneaux de fer disposés dans la muraille à cet effet.

– Monseigneur, dit Aurilly, je crois que nous arrivons trop tard; il sera parti directement de votre hôtel; il avait dix minutes d'avance sur vous, il est entré.

– Soit, dit le prince; mais, si nous ne l'avons pas vu entrer, nous le verrons sortir.

– Oui, mais quand? dit Aurilly.

– Quand nous voudrons, dit le prince.

– Serait-ce trop de curiosité que de vous demander comment vous comptez vous y prendre, monseigneur?