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– Rien de plus facile. Nous n'avons qu'à heurter à la porte, l'un de nous, c'est-à-dire toi, par exemple, sous prétexte que tu viens demander des nouvelles de M. de Monsoreau. Tout amoureux s'effraye au bruit. Alors, toi entré dans la maison, lui sort par la fenêtre, et moi, qui serai resté dehors, je le verrai déguerpir.

– Et le Monsoreau?

– Que diable veux-tu qu'il dise? C'est mon ami, je suis inquiet, je fais demander de ses nouvelles, parce que je lui ai trouvé mauvaise mine dans la journée; rien de plus simple.

– C'est on ne peut plus ingénieux, monseigneur, dit Aurilly.

– Entends-tu ce qu'ils disent? demanda Monsoreau à son valet.

– Non, monseigneur; mais, s'ils continuent de parler, nous ne pouvons manquer de les entendre, puisqu'ils viennent de ce côté.

– Monseigneur, dit Aurilly, voici un tas de pierres qui semble fait exprès pour cacher Votre Altesse.

– Oui; mais attends, peut-être y a-t-il moyen de voir à travers les fentes des rideaux.

En effet, comme nous l'avons dit, Diane avait rallumé ou rapproché la lampe, et une légère lueur filtrait du dedans au dehors.

Le duc et Aurilly tournèrent et retournèrent pendant plus de dix minutes, afin de chercher un point d'où leurs regards pussent pénétrer dans l'intérieur de la chambre. Pendant ces différentes évolutions, Monsoreau bouillait d'impatience et arrêtait souvent sa main sur le canon du mousquet, moins froid que cette main.

– Oh! souffrirai-je cela? murmura-t-il; dévorerai-je encore cet affront? Non, non: tant pis, ma patience est à bout. Mordieu! ne pouvoir ni dormir, ni veiller, ni même souffrir tranquille, parce qu'un caprice honteux s'est logé dans le cerveau oisif de ce misérable prince! Non, je ne suis pas un valet complaisant; je suis le comte de Monsoreau; et qu'il vienne de ce côté, je lui fais, sur mon honneur, sauter la cervelle. Allume la mèche, René, allume…

En ce moment, justement le prince, voyant qu'il était impossible à ses regards de pénétrer à travers l'obstacle, en était revenu à son projet, et s'apprêtait à se cacher dans les décombres, tandis qu'Aurilly allait frapper à la porte, quand tout à coup, oubliant la distance qu'il y avait entre lui et le prince, Aurilly posa vivement sa main sur le bras du duc d'Anjou.

– Eh bien, monsieur, dit le prince étonné, qu'y a-t-il?

– Venez, monseigneur, venez, dit Aurilly.

– Mais pourquoi cela?

– Ne voyez-vous rien briller à gauche? Venez, monseigneur, venez.

– En effet, je vois comme une étincelle au milieu de ces pierres.

– C'est la mèche d'un mousquet ou d'une arquebuse, monseigneur.

– Ah! ah! fit le duc, et qui diable peut être embusqué là?

– Quelque ami ou quelque serviteur de Bussy. Éloignons-nous, faisons un détour, et revenons d'un autre côté. Le serviteur donnera l'alarme, et nous verrons Bussy descendre par la fenêtre.

– En effet, tu as raison, dit le duc; viens.

Tous deux traversèrent la rue pour regagner la place où ils avaient attaché leurs chevaux.

– Ils s'en vont, dit le valet.

– Oui, dit Monsoreau. Les as-tu reconnus?

– Mais il me semble bien, à moi, que c'est le prince et Aurilly.

– Justement. Mais tout à l'heure j'en serai plus sûr encore.

– Que va faire monseigneur?

– Viens.

Pendant ce temps, le duc et Aurilly tournaient par la rue Sainte-Catherine, avec l'intention de longer les jardins et de revenir par le boulevard de la Bastille.

Monsoreau rentrait et ordonnait de préparer sa litière.

Ce qu'avait prévu le duc arriva. Au bruit que fit Monsoreau, Bussy prit l'alarme: la lumière s'éteignit de nouveau, la fenêtre se rouvrit, l'échelle de corde fut fixée, et Bussy, à son grand regret, obligé de fuir comme Roméo, mais sans avoir, comme Roméo, vu se lever le premier rayon du jour et entendu chanter l'alouette.

Au moment où il mettait pied à terre et où Diane lui renvoyait l'échelle, le duc et Aurilly débouchaient à l'angle de la Bastille. Ils virent, juste au-dessous de la fenêtre de la belle Diane, une ombre suspendue entre le ciel et la terre; mais cette ombre disparut presque aussitôt au coin de la rue Saint-Paul.

– Monsieur, disait le valet, nous allons réveiller toute la maison.

– Qu'importe? répondait Monsoreau furieux; je suis le maître ici, ce me semble, et j'ai bien le droit de faire chez moi ce que voulait y faire M. le duc d'Anjou.

La litière était prête. Monsoreau envoya chercher deux de ses gens qui logeaient rue des Tournelles, et, lorsque ces gens, qui avaient l'habitude de l'accompagner depuis sa blessure, furent arrivés et eurent pris place aux deux portières, la machine partit au trot de deux robustes chevaux, et, en moins d'un quart d'heure, fut à la porte de l'hôtel d'Anjou.

Le duc et Aurilly venaient de rentrer depuis si peu de temps, que leurs chevaux n'étaient pas encore débridés.

Monsoreau, qui avait ses entrées libres chez le prince, parut sur le seuil juste au moment où celui-ci, après avoir jeté son feutre sur un fauteuil, tendait ses bottes à un valet de chambre.

Cependant un valet, qui l'avait précédé de quelques pas, annonça M. le grand veneur.

La foudre brisant les vitres de la chambre du prince n'eût pas plus étonné celui-ci que l'annonce qui venait de se faire entendre.

– Monsieur de Monsoreau! s'écria-t-il avec une inquiétude qui perçait à la fois et dans sa pâleur et dans l'émotion de sa voix.

– Oui, monseigneur, moi-même, dit le comte en comprimant ou plutôt en essayant de comprimer le sang qui bouillait dans ses artères.

L'effort qu'il faisait sur lui-même fut si violent, que M. de Monsoreau sentit ses jambes qui manquaient sous lui, et tomba sur un siège placé à l'entrée de la chambre.

– Mais, dit le duc, vous vous tuerez, mon cher ami, et, dans ce moment même, vous êtes si pâle, que vous semblez près de vous évanouir.

– Oh! que non, monseigneur, j'ai, pour le moment, des choses trop importantes à confier à Votre Altesse. Peut-être m'évanouirai-je après, c'est possible.

– Voyons, parlez, mon cher comte, dit François tout bouleversé.

– Mais pas devant vos gens, je suppose, dit Monsoreau.

Le duc congédia tout le monde, même Aurilly.

Les deux hommes se trouvèrent seuls.