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Elle avait mis tout ce qu'elle pouvait de suavité lusitanienne dans ses chuintantes.

– Je désire en particulier interroger l'ensemble des résidents et du personnel administratif, votre vice-directeur est là?…

– Heu… Oui, oui, dans son bureau, voulez-vous que j'aille le chercher?

– Nos hommes vont vous accompagner, en attendant je veux jeter un coup d'œil à la liste de vos hôtes.

– Aucun problème.

– Ensuite vous réunirez l'ensemble du personnel et demanderez aux résidents de se rendre dans le hall. Et ensuite vous me ferez faire le tour complet du propriétaire. Des équipes spécialisées jetteront un coup d'œil dans vos livres de comptes…

Elle montrait Peter et deux inspecteurs de la police portugaise.

– Enfin, reprit-elle, pendant que nous ferons notre visite vous me raconterez tout ce que vous savez sur M. Van Eidercke, ses voyages en Amérique du Sud et sur une certaine Mme Kristensen, ou Cristobal.

L'homme fut encadré de quatre flics quand il remonta dans les étages.

Pendant que les résidents présents étaient pris en charge par le commissaire et une demi-douzaine d'inspecteurs, le vice-directeur et le personnel administratif étaient confiés à Peter Spaak et un autre groupe d'inspecteurs.

Elle demanda à De Vries où étaient deux résidents absents, un certain Plissen, néerlandais, et un autre, Wagner, de Munich.

Elle le vit hésiter un instant.

– Je… je ne sais pas où sont ces deux personnes, je crois que M. Wagner devait se rendre à Lisbonne aujourd'hui et demain… M. Plissen, je ne sais pas.

Elle décela aussitôt que l'homme lui cachait quelque chose, mais qu'il hésitait aussi à le faire.

– Vous avez intérêt à ne rien nous cacher, si vous faites la moindre entrave à la justice je vous jure que vous allez connaître une véritable descente aux enfers.

Elle lui avait sorti ça en néerlandais, langue qu'elle trouvait mieux adaptée à l'image qu'elle voulait faire naître dans l'esprit du jeune homme. Du Jérôme Bosch vivant en quelque sorte.

Il perdait de sa prestance et de sa maîtrise de soi, c'était visible.

– Je… Ce M. Plissen était en rapport avec cette madame Cristobal dont vous avez parlé.

Il avait soufflé ça d'un seul jet, libérateur, dans sa langue maternelle.

– Comment le savez-vous?

– J'ai reçu un coup de fil de M. Van Eidercke qui m'a dit de m'occuper particulièrement de ce M. Plissen. J'avais un numéro de téléphone où joindre une certaine Mme Cristobal…

– Pourquoi?

– M. Plissen me l'a laissé, si jamais il recevait un coup de fil urgent pendant sa visite. C'est ce qui s'est passé, un homme a appelé M. Plissen en disant que c'était urgent et j'ai essayé de le joindre sur le bateau…

– Sur le bateau?

L'homme baissa légèrement la tête, comprenant qu'il avait tâché là une information capitale.

– Je… oui, sur le bateau.

– Quel bateau?

– Celui de Mme Cristobal, il mouillait au large d'ici… Mais ce matin il n'était plus là…

– Quel nom ce bateau?

– Je ne sais pas.

– Vous avez gardé le numéro de téléphone?

– Je… oui, je le connais de mémoire.

Anita inscrivit le numéro sur une feuille de son calepin et le communiqua à un inspecteur de Faro afin qu'il apprenne qui était le propriétaire officiel de la ligne et si on pouvait remonter jusqu'au nom du bateau.

– Que cachent les activités officielles de ce petit morceau de paradis, dites-moi M. De Vries?

Elle soupçonnait l'homme de n'être qu'à moitié au courant des ténébreuses affaires de cette Mme Cristobal et de M. Van Eidercke, mais elle voulait tout lui faire lâcher d'un coup, afin de gagner du temps.

– Je… très franchement je n'en sais rien… Je… Je m'rendais compte qu'y avait des petites choses bizarres, mais je vous jure que je ne sais rien…

– Quel genre de choses bizarres?

– Ben… des mouvements de bateaux justement. Comme cette Mme Cristobal, M. Van Eidercke possédait un poste radio amateur… souvent il s'enfermait dans son bureau, la nuit, pour transmettre des messages… Parfois.des bateaux venaient mouiller pas loin et M. Van Eidercke leur rendait visite… mais je n'étais pas au courant, dans la plupart des cas. Il me demandait de m'occuper de la gestion courante de l'établissement et lui voyageait beaucoup…

– Comme en ce moment. En Amérique du Sud, c'est ça? Où exactement?

– Je… Je ne sais pas exactement…

– Crachez-moi le morceau, De Vries…

– Je vous assure, il doit faire un long périple, jusqu'au Brésil, mais je ne connais pas tous les détails…

– La Barbade? Est-ce qù'il doit passer par la Barbade?

Un petit instant de réflexion.

– Il me semble bien, le Venezuela aussi…

– Pour affaires?

– Oui, mais je ne suis pas tenu au courant de tout, je vous l'ai déjà…

– O.K., O.K., maintenant vous allez répondre directement et spontanément à cette question: avez-vous déjà vu des cassettes vidéo transiter par la Casa Azul?

– Des cassettes vidéo?

– Oui, cassettes vidéo, videotapes, vous voulez que je vous le dise en quelle langue?

– Heu… excusez-moi, oui, nous avons des cassettes ici, dans une vidéothèque. Des films pour distraire les résidents et des programmes audiovisuels également, remise en forme, phytothérapie marine, des choses comme ça.

– Montrez-nous.

De Vries les emmena directement à une vaste vidéothèque située au sous-sol. Une grande pièce, sans doute une ancienne buanderie, à demi enterrée, et qui donnait sur les caves.

Elle demanda à de Vries où se trouvait un magnétoscope et un des flics en tenue monta dans le bureau du sous-directeur pour en descendre un.

Il y avait pas loin de deux cents cassettes, ici. De nombreux films, dans à peu près toutes les langues et une trentaine de ces cassettes de programmes spécialisés. Thalassothérapie, diététique, biologie marine, relaxation et astrologie «new-age». Anita tressaillit en découvrant que la plupart de ces bandes avaient été produites par la Holy Graal Company, mais aucune ne révéla quoi que ce soit de choquant. Pas d'images d'assassinats et de tortures, pas même de pornographie enfantine, rien que des films didactiques ou promotionnels, vantant telle nouvelle technique. tel nouveau produit ou centre de soin, ou de la pub vantant l'ouverture prochaine d'un centre de luxe au Brésil, ou aux Seychelles.

– Il y a d'autres cassettes ailleurs?

– Heu, non, je ne crois pas… À part celles empruntées par les résidents…

– Y a-t-il d'autres magnétoscopes ici?

– Heu… eh bien, c'est-à-dire… oui, il y en a un autre dans mon bureau ainsi que dans une pièce au rez-de-chaussée et, évidemment, chaque chambre en est dotée.

Il sous-entendait par là qu'on était dans un établissement de haut standing.

– Bien, je voudrais pouvoir en disposer d'une demi-douzaine, des policiers en tenue vont entreprendre de visionner toutes vos bandes…

– Bon sang, mais qu'est-ce que vous cherchez donc?

Il y avait une dose substantielle de sincérité dans ce cri étonné.

– Je ne peux vous le communiquer mais j'ai besoin de ces magnétoscopes. Et d'autant d'écrans.

On descendit cinq autres appareils des étages et on réussit à les brancher dans la buanderie, avec des blocs multiprises, trouvés à la cave.

Six policiers en tenue commencèrent à visionner les bandes, en accéléré, afin de détecter des séquences suspectes.

Puis elle demanda à De Vries de la guider pour une visite en règle.

Elle ne trouva rien dans le bâtiment principal et demanda à De Vries de lui montrer les autres bâtiments. Il s'agissait de deux pavillons indépendants, formant chacun une «suite» de catégorie supérieure et d'un appentis, élevé perpendiculairement à l'extrémité ouest de la maison. Un des pavillons était loué par ce M. Plissen et elle demanda à De Vries de lui ouvrir la porte. Avec les deux flics portugais elle passa la suite jaune au peigne fin, mais ne troùva rien qui permettaIt d'identifier clairement Johan Plissen. Sinon qu'elle était certaine qu'il s'agissait de ce Lucas Vondt, l'ex-stup d'Amsterdam devenu détective privé dans les années quatre-vingt et qui dirigeait le hit-squad, ici au Portugal.