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– N'vous bilez pas. Jusqu'à présent j'peux pas dire que vous n'avez pas été correct.

Hugo referma le coffre, presque gêné par le sort qu'il faisait une nouvelle fois endurer au soldat d'infortune.

Il roula doucement sur la route mal entretenue, afin d'éviter que le voyage dans le coffre ne devienne un enfer de vibrations.

Vingt minutes plus tard il se garait devant une autre cabine et rappelait Anita une seconde fois.

L'éternel «Anita-j'écoute» auquel elle se pliait comme à une règle monastique.

– Hugo. Bon Koesler a parlé. Il m'a craché tout le truc sur une bande que j'ai là avec moi. Le repaire du hit-squad est dans la Serra Monchique. Dans un coin retiré, près du pic de Foia. Une grande maison sur un versant de la montagne, ils trouveront avec ça?

– Attendez, je note… O.K. Rien de plus précis?

Il soupira.

– Non… Mais doit pas y avoir beaucoup de mégapoles tentaculaires dans le coin… Ça devrait se trouver une grande maison vers le pic de Foia isolée en retrait de la route, dans la montagne…

– O.K. Bon, et la planque de la Reine Mère comme vous l'appelez?

– Ça il dit ne rien savoir…

– Ben voyons!

– Je pense qu'il dit la vérité. Il n'a aucun avenir avec Mme Kristensen et il le sait parfaitement, mais il m'a parlé d'un certain Vondt, qui chapeauterait toute leur putain d'organisation, ici, dans le but de retrouver Travis et de piéger Alice.

– Attendez, Vondt, vous avez dit? Bon sang, ça me dit quelque chose ce nom…

– Vondt? répéta stupidement Hugo.

– Oui. Attendez faut que je me rappelle.

– Écoutez, voyez ça de votre côté mais moi je considère qu'il a respecté les termes de notre contrat. Filez-lui ce délai et qu'on n'en parle plus. Communiquez au plus vite le tuyau que je vous ai refilé au lieu de vous obstiner…

– Je ne m'obstine pas, Karl Koesler est un témoin capital de l'affaire, pour ne pas dire plus. Vous comprendrez que ça me fasse mal au cœur de le voir s'évanouir comme ça.

– Quais, mais sans lui on est bloqué avec une dizaine d'hommes armés opérationnels et une Eva Kristensen qui tire les ficelles quelque part. Si on retombe sur eux, ils ne nous feront aucun quartier et je pense que j'ai suffisamment abusé de ma chance comme ça, vous me saisissez?

– Bon, bon, qu'est-ce que vous voulez?

– Une vraie tête en bois, ma parole, le délai. Je veux votre parole d'officier de police judiciaire, là, clairement dans le combiné, c'est tout.

– O.K., O.K., mais pas douze heures, c'est trop, je ne pourrais faire avaler ça à personne.

– On avait convenu douze heures, merde.

– Oui, mais on avait convenu qu'il nous livrait aussi le cadeau surprise, la planque de madame. Ça diminue de moitié la valeur des…

– Six heures c'est pas assez, putain, il nous livre tout l'escadron…

– De la piétaille. Ce qui est intéressant c'est le cerveau, ou un organe principal comme ce Vondt, là, où il est? Il est pas à Monchique?

– Non, mais il n'y aura plus que lui et la bonne femme. Elle sera privée de tous moyens opérationnels… écoutez à mon avis les choses ne tournent pas du tout comme elle l'avait prévu et nous avons un avantage pendant encore quelques heures, avant qu'ils ne découvrent ou n'entendent parler d'une Seat blanche vide de tout occupant, au bas d'un coteau. Cet avantage c'est Koesler et nous devons nous en servir. Comme vous dites, ce qui compte c'est le cerveau. Et un organe important. Si on coince Eva K. et ce M. Vondt on l'aura fait si on saisit toutes les opportunités qui se présentent, sans rechigner. Là, en échange de la fuite aléatoire d'un homme, on va serrer dix ou douze hommes d'un coup dont le chef opérationnel, leur capitaine, le Bulgare, Sorvan. On supprime le hit-squad et Mme Kristensen est privée de ses sens et de ses moyens d'action, O.K.? Elle devra fuir le pays en y laissant sa fille et nous pourrons la remettre à son père, vous pigez? Après à vous de gérer la poursuite de cette dame en dehors des frontières de l'Europe… Et moi je reprends mes activités initiales.

Dne longue virgule de silence qu'il rompit à nouveau:

– Bon, négocions à douze heures, O.K.?

– Huit.

– Anita, arrêtez votre cirque, douze heures. Nous n'avons pas le temps de jouer au marchand et à la cliente dure en affaires, voyez?

– D'accord, soupira-t-elle, presque violemment, vous avez gagné. Dix heures, pas une seconde de plus.

Putain de nom de dieu, pensait-il en raccrochant, c'était pas le genre facile cette Hollandaise.

Il donna trois petits coups en passant sur le coffre arrière et se pencha vers la serrure de métal.

– Koesler? Vous m'entendez?

– Ouais, entendit-il faiblement, derrière la cloison.

– Bon ça marche, on redescend à la plage et vous sortez.

Il s'engouffra au volant en se demandant combien de temps les flics locaux mettraient pour ramasser tout le banc de requins d'un seul coup. Toutes les forces de Faro, minimum, plus une coordination avec différentes unités locales, d'ici au Baixa Alentejo. Réunir une bonne centaine d'hommes et mettre en place un plan d'opération efficace et cohérent n'est pas chose si simple. Il faudrait sûrement quelques heures à la police pour tout organiser, mais bon ça signifiait qu'avant l'aube, la maison serait cernée, voire prise d'assaut par surprise.

Fallait juste dormir dans un coin peinard en attendant que l'orage passe. Il y avait nombre de petites plages ou criques désertes, à cette heure-ci, le long de cette côte.

CHAPITRE XXII

La nuit était tombée sur la mer et Eva Kristensen contemplait la lune, pleine et presque rousse, dans la voûte étoilée. Elle dégustait un verre de pommard et, malgré les nouvelles accablantes que lui avaient apportées Vondt, n'avait cessé de lui offrir ce sourire fatal. Elle l'avait prié de rester dîner sur le yacht et tout au long du repas, servi avec obséquiosité par un maître d'hôtel français, ils n'avaient échangé que quelques paroles futiles, Vondt lui demandant où était Wilheim Brunner par exemple.

– Il est resté en Afrique, répondait-elle laconiquement, ou «Notre plan est ce qu'il y a de mieux à faire dans l'immédiat, Vondt, ne vous inquiétez pas, j'ai la situation bien en mains», son sourire implacablement vissé aux lèvres. Le vent jouait avec ses cheveux blonds et ses doigts, parfois, plongeaient dans la masse soyeuse pour redresser

Une mèche couleur de miel. Il ne pouvait bien voir ses yeux derrière les verres fumés bleutés et il se demandait quelle drogue pouvait bien engendrer un tel état de béatitude.

Il aurait bien voulu savoir où était Koesler maintenant, et ce que foutait ce Pinto avec le tueur de Travis.

C'était une des premières choses qu'il avait dite à Mme Kristensen, dès sori arrivée à bord, cette info de Koesler. Ça et la piste de l'Australien de l'après-midi, ça permettait de compenser le désastre d'Évora.

Eva Kristensen avait tout d'abord froidement jaugé Vondt de la tête aux pieds, allongée sur son transat, sirotant un cocktail aux couleurs vives, puis un pâle sourire avait éclairé ses traits, prenant consistance au fur et à mesure que le soleil rougissait en descendant sur la mer, pendant tout l'après-midi.

– Je vous avais dit que mon ex-mari ne faisait pas les choses à moitié. Quel que soit le type qu'il a engagé c'est un professionnel, et sans doute un des meilleurs. Il faut que nous nous adaptions.

– Oui, avait simplement répondu Vondt.

– Qu'avez-vous fait des équipes chargées de surveiller les routes frontalières?

– Je les ai toutes rapatriées à Monchique. Mais j'ai gardé les hommes d'Albufeira en réserve, ils continuent de surveiller l'ancienne maison de Travis…

– Mmh, avait murmuré Eva Kristensen… Nous ne devrions pas garder la maison de Monchique avec une dizaine d'hommes armés à l'intérieur. Ça va finir par se faire repérer et nous perdrions toutes nos forces d'un seul coup…