Antistrophe II.
L'auguste respect, autrefois invincible, tout-puissant, inébranlable, qui entrait dans les oreilles et dans l'esprit, a maintenant disparu. Qui n'est point épouvanté? La félicité est déesse parmi les mortels, et plus que déesse; mais la justice rapide frappe les uns en plein jour, ou, plus tardive, atteint les autres au seuil des ténèbres. D'autres, enfin, sont engloutis dans la nuit éternelle.
Épôde.
Quand la terre nourricière a bu le sang, la souillure vengeresse devient ineffaçable. Le remords terrible travaille le coupable. La virginité une fois violée, il n'y a plus de remède. Les fleuves réuniraient leurs eaux qu'ils ne laveraient point la main qu'a souillée le meurtre. Pour moi, les dieux m'ont enveloppée dans la calamité de ma ville: ils m'ont jetée dans la servitude, loin des toits paternels. Il appartient à ceux qui sont, par la violence, les maîtres de ma vie d'être, comme il leur convient, justes ou injustes. Il me faut réprimer l'amère indignation de mon cœur. Voici que, dans ma douleur cachée, je baigne mes vêtements de larmes sur la triste destinée de mes maîtres.
Femmes esclaves, servantes des demeures, qui m'accompagnez dans cette supplication, conseillez-moi sur ceci. En versant les libations funèbres sur ce tombeau, quelles paroles propices prononcerai-je? Comment prier mon père? Dirai-je que je viens à l'époux bien-aimé de la part de la chère épouse, de ma mère? Jamais je ne l'oserai, et je ne sais que dire en versant cette libation sur le tombeau de mon père. Lui dirai-je qu'il doit rendre le mal pour le mal, comme c'est la coutume parmi les hommes qui offrent des présents à ceux qui leur en font? Ou bien, muette et sans nul honneur, puisque mon père a été égorgé, me retirerai-je, après avoir versé les libations comme pour l'expiation d'un crime, et jeté le vase derrière moi, en détournant les yeux? Ô amies! conseillez-moi, car nous avons toutes la même haine dans ces demeures. Ne cachez donc rien, par crainte, au fond de votre cœur, car ce que la destinée a décidé arrive pour l'homme libre comme pour celui qui subit le joug d'une puissance étrangère. Parle donc, si tu as quelque chose de mieux à conseiller.
Respectant le tombeau de ton père autant qu'un autel, je te dirai ma pensée puisque tu me l'ordonnes.
Parle donc, si tu respectes le tombeau de mon père.
En versant les libations, fais des prières pour ceux qui lui étaient bienveillants.
Quels amis nommerais-je?
Toi-même d'abord, et quiconque hait Aigisthos.
Je ferai donc des vœux pour moi et pour toi?
Tu as bien dit, certes, et tu m'as comprise.
Et quel nom ajouter aux nôtres?
Souviens-toi d'Orestès, tout absent qu'il est.
Tu me donnes un conseil juste et sage.
Maintenant, souviens-toi des coupables, de l'égorgement de ton père.
Que dirai-je? Je ne sais. Enseigne-le-moi.
Souhaite qu'il leur arrive un dieu ou un homme.
Parles-tu d'un juge ou d'un vengeur?
Souhaite clairement que ce soit quelqu'un qui les égorge à leur tour.
Puis-je adresser justement une telle prière aux dieux?
Comment ne serait-il point permis de rendre à des ennemis le mal pour le mal?
Grand messager des dieux supérieurs et inférieurs, entends-moi, Hermès souterrain! Apprends-moi que les daimones ont écouté mes prières, eux qui veillent sur les demeures paternelles, et que la terre aussi m'a écoutée, elle qui enfante et nourrit toutes choses, et qui les reprend de nouveau! Et moi, en versant ces libations expiatrices aux morts, je dis, invoquant mon père: Aie pitié de moi et de mon cher Orestès, et fais que notre foyer nous soit rendu! Car, maintenant, nous errons, trahis par notre mère, depuis qu'à ta place elle a mis un autre homme, Aigisthos, qui a pris part à ton égorgement. Moi, je suis esclave; et, privé de tes biens, Orestès est en exil, tandis que, dans leur insolence, ils jouissent impudemment des fruits de tes travaux. Je te supplie pour qu'Orestès revienne heureusement. Et toi, exauce-moi, mon père! Donne-moi de valoir beaucoup mieux que ma mère, et de mieux agir. Voilà nos vœux. Je souhaite à nos ennemis que ton vengeur apparaisse! Que les meurtriers soient tués à leur tour, comme cela est juste. Je mêle à mes prières ces imprécations funestes que je crie contre eux. Du fond du Hadès envoie nous toutes les prospérités, avec l'aide des dieux, de la terre, de la justice victorieuse! Après ces vœux, je verse ces libations. Vous, poussez des lamentations et chantez le paian funèbre!
Pleurez avec des sanglots sur le maître lamentable, tandis que les libations sont répandues en l'honneur de celui qui défend les bons des mauvais et détourne de nous l'odieuse souillure. Entends, entends, ô vénérable, ô roi, entends mes prières, des ténèbres où gît ton âme! Ah! hélas! ô dieux! Quel héros, puissant par la lance, rachètera tes demeures? Un Skythe, un Arès, tendant de ses mains, dans le combat, l'arc recourbé, ou, la tête en arrière, saisissant par la poignée l'épée qu'il agite?
Mon père possède désormais ces libations que la terre a bues. Mais écoutez-moi avec attention.
Parle donc. Mon cœur tressaille de crainte.