ORESTÈS.

Antistrophe VI.

Que dirons-nous de plus? Faut-il rappeler les maux dont nous avons été accablés par notre mère? Il est des haines qui s'apaisent, mais non celles-ci. Ma colère contre ma mère est implacable comme un loup affamé.

ÈLEKTRA .

Strophe VII.

Elle a frappé comme Arès, ou comme une femme Kissienne toujours avide de combats. On a pu voir les coups multipliés de sa main s'abattant de tous côtés, de près et de loin, et redoublant! Ma tête retentit misérablement à chaque coup. Ô dieux! ô mère funeste et impie! Tu as osé ensevelir ton époux en ennemi, non pleuré, sans deuil et sans la foule des citoyens!

ORESTÈS.

Strophe VIII.

Tu as dit toute l'infamie du crime. Malheur à moi! C'est par mes mains et avec l'aide des dieux qu'elle expiera la mort honteuse de mon père. Que je la tue et que je meure après!

ÈLEKTRA .

Antistrophe VII.

Afin que tu le saches, elle l'a coupé en morceaux; et l'ayant ainsi traité, elle l'a enseveli, voulant emplir ta vie d'une douleur intolérable. Tu sais maintenant quel a été le meurtre lamentable de ton père.

ORESTÈS.

Tu m'as dit la destinée de mon père!

ÈLEKTRA .

Antistrophe VIII.

Et moi, j'étais tenue au loin, méprisée, abjecte, chassée de la demeure comme un vil chien, aimant mieux les larmes que le rire, et, pour toute joie, cachant mon deuil et mes plaintes. Garde dans ton esprit ce que tu viens d'entendre par tes oreilles jusqu'au lieu tranquille de la pensée. Puisqu'ils ont agi ainsi, demande à ta colère ce qu'il te reste à faire. Pour mener tout à fin, il faut avoir un haine invincible.

ORESTÈS.

Strophe IX.

Je t'invoque, ô père! Aide tes enfants!

ÈLEKTRA .

Et moi, je t'invoque avec mes larmes!

LE CHŒUR DES KHOÈPHORES.

Et toute notre foule aussi crie vers toi! Entends-nous, reviens à la lumière, aide-nous contre nos ennemis!

ORESTÈS.

Antistrophe IX.

Qu'Arès lutte contre Ares, la vengeance contre la vengeance!

ÈLEKTRA .

Ô dieux! donnez la victoire à ce qui est juste!

LE CHŒUR DES KHOÈPHORES.

La terreur me saisit en écoutant ces imprécations. Ce qui est fatal est résolu depuis longtemps. Que tout arrive selon leurs vœux!

Strophe X.

Ô misères de cette race! ô plaie sanglante d'Atè! ô deuils terribles et lamentables! ô douleurs sans terme!

Antistrophe X.

Ô maux incurables de ces demeures, non causés par d'autres, mais par ceux qui les habitent et qui prolongent eux-mêmes la sanglante discorde! C'est l'hymne des déesses souterraines. Ô dieux heureux du Hadès, entendez les prières de ces enfants et donnez-leur la victoire!

ORESTÈS.

Ô père, toi qui n'es point mort comme un roi, je te supplie! donne-moi de commander dans ta demeure.

ÈLEKTRA .

Et moi, père, je te supplie de me sauver de la mort terrible que doit subir Aigisthos.

ORESTÈS.

Ainsi, les hommes pourront t'offrir les repas funèbres accoutumés; sinon, parmi les convives, tu resteras, vil et méprisé, dans les flammes des bûchers qui engraissent la terre.

ÈLEKTRA .

Et moi, des demeures paternelles je t'apporterai, en libations nuptiales, toutes mes richesses; et, avant toutes choses, j'honorerai ta tombe.

ORESTÈS.

Ô terre, rends-moi mon père, afin qu'il assiste au combat!

ÈLEKTRA .

Ô Perséphassa! Donne-nous un courage invincible!

ORESTÈS.

Souviens-toi, père, du bain dans lequel tu as été égorgé!

ÈLEKTRA .

Souviens-toi du filet dans lequel ils t'ont tué!

ORESTÈS.

Père! tu n'avais pas été enveloppé de chaînes d'airain.

ÈLEKTRA .

Mais, très honteusement dans un traître voile!

ORESTÈS.

N'es-tu pas irrité de ces outrages, ô père?

ÈLEKTRA .

Ne lèveras-tu pas ta tête très chère?

ORESTÈS.

Envoie la justice, qu'elle combatte avec les tiens! ou bien, rends les coups que tu as reçus, si, ayant été vaincu, tu veux être victorieux à ton tour.

ÈLEKTRA .

Entends mes dernières prières, ô père, et regarde tes jeunes enfants auprès de ta tombe. Aie pitié de ta fille et du mâle de ta race! Ne laisse point s'éteindre la postérité des Pélopides. Ainsi, en effet, tu ne disparaîtras pas, bien que tu sois mort; car les enfants sauvent la renommée des morts, semblables aux lièges qui font surnager les mailles du filet. Entends-moi! Ces larmes coulent pour ta cause, et tu te sauveras toi-même si tu exauces mes prières!

LE CHŒUR DES KHOÈPHORES.

Il ne faut point blâmer ces lamentations prolongées en l'honneur de cette tombe et de cette destinée non pleurée. A toi le reste! Puisque tu as résolu d'agir, tente le daimôn de la fortune!

ORESTÈS.

Cela sera fait; mais, il n'est pas hors de ceci de rechercher pour quelle cause elle a envoyé ces libations, et pourquoi elle a voulu réparer par de tardifs honneurs l'irréparable crime. C'est un don misérable à un mort insensible. Je ne puis comprendre ce que signifient ces présents si au-dessous du crime. Donner tout ce qu'on possède pour le sang versé d'un seul homme, c'est un travail inutile. Telle est ma pensée. Mais, si tu sais, apprends-moi ce que je désir savoir.