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– Je ne viens pas en visiteur, frère McMurdo, dit-il enfin. J'ai déjà beaucoup à faire avec les gens qui me rendent visite. Mais j'ai pensé que je pourrais faire une mise au point chez vous.

– Je suis fier de vous accueillir, conseiller! répondit chaleureusement McMurdo, qui sortit du buffet sa bouteille de whisky. C'est un honneur auquel je ne m'attendais pas.

– Comment va le bras? interrogea le chef de corps.

McMurdo fit la grimace.

– Je serais incapable de l'oublier, répondit-il. Mais je pense que la chose en vaut la peine.

– Oui, approuva l'autre. La chose en vaut la peine pour les fidèles, pour ceux qui apportent leur concours à la loge. De quoi parliez-vous donc ce matin avec le frère Morris en haut de Miller Hill?

La question avait été si soudainement posée qu'il se révéla préférable que la réponse eût été préparée d'avance. McMurdo éclata d'un gros rire.

– Morris ne savait pas que je pouvais gagner ma vie ici chez moi. Il ne le saura jamais, car je trouve qu'il a un peu trop de scrupules pour mon goût. Mais c'est un brave vieux bonhomme. Il s'imaginait que je n'avais pas de travail, et il avait pensé bien faire en m'offrant une place d'employé dans son magasin de tissus.

– Oh! c'était cela?

– Oui.

– Et vous avez refusé?

– Évidemment! Je gagnerais dix fois plus dans ma chambre avec quatre heures de travail.

– C'est vrai. Mais à votre place, je ne verrais pas trop souvent le frère Morris.

– Pourquoi?

– Simplement parce que je vous dis de ne pas le faire. Pour la plupart des gens de la région, cette explication suffit.

– Peut-être pour la plupart des gens de la région, mais pas pour moi, répondit crânement McMurdo. Si vous êtes connaisseur en hommes, vous devez le savoir.

Le géant le dévisagea, et sa patte poilue se referma autour du verre comme s'il avait envie de le lancer à la tête de McMurdo.

Puis il se mit à rire.

– Vous êtes vraiment un type peu ordinaire! dit-il. Vous voulez des raisons? Eh bien! je vais vous en donner. Est-ce que Morris ne vous a rien dit contre la loge?

– Rien.

– Ni contre moi?

– Non.

– Alors c'est parce qu'il n'a pas osé se fier à vous. Mais au fond de son cœur, il n'est pas loyal. Nous le connaissons bien; nous le surveillons; et nous attendons le moment de l'admonester comme il le mérite. Je pense que ce moment n'est pas très éloigné. Il n'y a pas de place dans notre bergerie pour des brebis galeuses. Si vous vous liiez avec un homme déloyal, nous pourrions penser que vous êtes déloyal, vous aussi. Vous voyez?

– Il n'y a aucune chance pour que je me lie avec lui, car il ne me plaît pas, répondit McMurdo. Mais pour ce qui est d'être déloyal, si le mot avait été prononcé par un autre, il ne serait pas dit deux fois.

– Bien. En voilà assez, dit McGinty en vidant son verre. J'étais venu pour vous donner un avis. Vous l'avez entendu.

– Je voudrais bien savoir, fit McMurdo, comment vous avez pu apprendre que j'avais causé avec Morris.

McGinty sourit.

– C'est mon affaire de savoir ce qui se passe dans la ville, dit-il. N'oubliez jamais que je finis par tout savoir. Bon. Il est maintenant l’heure, et…

Mais un incident imprévu se produisit au moment où il se levait pour s'en aller. La porte s'ouvrit toute grande, sous une poussée brutale, et trois têtes décidées, coiffées des casquettes à visière de la police, les dévisagèrent sans aménité. McMurdo se leva d'un bond. Il allait empoigner son revolver quand il vit deux winchesters braqués sur lui; il baissa le bras. Un homme en uniforme s'avança dans la pièce: il avait au poing un revolver à six coups. C'était le capitaine Marvin, qui venait de Chicago et qui appartenait maintenant à la police du charbon et du fer. Il hocha la tête et adressa un petit sourire à McMurdo.

– Je pensais bien que vous vous attireriez des ennuis, monsieur l'aigrefin McMurdo, de Chicago, dit-il. Vous ne pouviez pas vous tenir tranquille, n'est-ce pas? Prenez votre chapeau, et suivez-nous.

– Je crois que cette plaisanterie vous coûtera cher, capitaine Marvin! intervint McGinty. Qui vous croyez-vous donc, je vous prie, pour pénétrer ainsi dans une maison et inquiéter des hommes honnêtes qui respectent la loi?

– Vous êtes en dehors de cette affaire, conseiller McGinty, dit le capitaine Marvin. Nous n'avons rien contre vous, seulement contre ce McMurdo. Vous devez nous aider, et non pas nous gêner dans l’accomplissement de notre devoir.

– C'est l'un de mes amis, et je me porte garant de sa conduite, dit le chef de corps.

– D'après tout ce que l'on dit, monsieur McGinty, vous pourriez bien avoir à répondre de votre propre conduite l'un de ces jours! répliqua l'officier de police. Ce McMurdo était un malfaiteur avant d'arriver ici; il l'est demeuré. Couchez-le en joue, sergent, pendant que je le désarme.

– Voilà mon pistolet, dit froidement McMurdo. Mais si vous et moi étions seuls face à face, capitaine Marvin, vous ne viendriez peut-être pas si facilement à bout de moi.

– Où est votre mandat? demanda McGinty. Nom d'une pipe! On se croirait en Russie et non à Vermissa, en voyant des policiers agir de la sorte. Je vous jure que vous en entendrez parler!

– Agissez selon votre conception du devoir, conseiller. Nous, nous obéissons à la nôtre.

– De quoi suis-je accusé? interrogea McMurdo.

– D'être mêlé à l'agression contre le vieux Stanger aux bureaux du Herald. Ce n'a pas été de votre faute si vous êtes inculpé d'agression et non de meurtre.

– Eh bien! si c'est tout ce que vous avez à lui reprocher, s'écria McGinty en riant, vous vous épargnerez bien des ennuis en laissant tomber. Cet homme était hier soir dans mon cabaret; il jouait au poker; il est resté jusqu'à minuit chez moi; je pourrai amener une douzaine de témoins pour vous le prouver.

– C'est votre affaire. Vous l'établirez devant le tribunal demain. En attendant, venez, McMurdo. Et tenez-vous tranquille si vous ne voulez pas recevoir un coup de crosse sur la tête. Tenez-vous au large, monsieur McGinty. Je vous préviens que je ne tolère aucune résistance quand je suis de service.

Le capitaine avait l'air si résolu que McMurdo et son chef de corps durent s'incliner. McGinty se débrouilla pour échanger quelques mots avec le prisonnier avant qu'ils soient séparés.

– Et votre…?

Il leva un pouce pour indiquer la machine à frapper les dollars.