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Lettre 68. Réponse.

5 août.

J’ai depuis longtemps en main un mauvais sujet, presque aussi beau qu’Edmond, mais qui en est tout l’opposé par le caractère et les sentiments: c’est une âme basse, crapuleuse, que j’ai maintenue basse et crapuleuse avec autant de soin, que je cherche à élever celle d’Edmond. Cela n’est bon qu’à faire du mal, et je l’y emploierai, pour que cette âme nulle soit bonne à quelque chose. Tu inviteras ce vil personnage, que j’ai donné pour élève lors de mon départ, au maître d’Ursule, à un bal chez Coulon , faubourg Saint-Germain: la salle est assez bien, pour que tu y conduises ta cousine et son frère; car j’imagine qu’elle n’irait pas seule. Tu diras à Lagouache (c’est le nom de mon vil instrument), qu’il s’agit de plaire à Ursule: le sot danse bien; tâche qu’il ne parle pas; excite en lui la lubricité, le bas intérêt; fais luire l’espoir d’un succès facile, et ne lui cache pas qu’Ursule a fait un enfant; cela enhardit les sots, et quelquefois les gens d’esprit. Tu auras soin de faire remarquer à ta cousine les grâces du fat, de vanter son mérite; tu lui apprendras qu’il est élève de son maître, et tu lui feras naître l’envie d’en faire son émule. Une fois prise, quand la sottise paraîtrait, elle n’éteindrait pas l’amour; cette passion métamorphose la bêtise en aimable simplicité. Tu vois, ma chère Laure, que je ne suis jamais en défaut, et que j’ai une pièce pour tous les trous. Je finis par cette jolie phrase, qui t’appartient.