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Lettre 56. Gaudet, à la cruelle Laure.

[Adresse du méchant Gaudet, pour empêcher Ursule d’allaiter.].

Même jour.

Mille compliments à l’aimable cousine: ma joie égale la sienne et celle du marquis, que je viens de voir avec Edmond. On ne peut les faire taire; ils parlent ensemble; ils se coupent la parole; n’y font aucune attention, et quand vous leur répondez à une question importante, ils vous en font une frivole. C’est tout ce que je puis en dire à présent à l’heureuse personne. Quant à vous, cruelle Laure, j’ai à vous gronder. Nourrir son fils est le devoir d’une mère, et ce sentiment si naturel, si légitime devait naître dans le cœur de la méritante personne auprès de laquelle vous êtes. Voilà ce que je pense. La jeune et charmante maman a dû vouloir ce qu’elle veut. Reste à savoir si nous devons nous y opposer. Je trouve que vous avez décidé la question un peu vite, mademoiselle Laure, et comme une véritable étourdie. Je voudrais être là pour vous en demander les raisons. Je suis sûre que vous n’en donneriez que de frivoles comme vous-même: la conservation de quelques attraits; la gêne, oh! surtout la gêne, la privation des plaisirs. Mais la jeune maman ne consentira jamais à perdre de vue l’objet de sa tendresse: elle a d’ailleurs sous les yeux un trop bel exemple pour ne pas l’imiter en tout: son amie, sa déesse, la belle dame fait nourrir sa fille sous ses yeux; elle lui rend tous les soins de mère, à l’exception de celui de l’allaiter; parce que l’allaitement laisse certaines traces, que certaines personnes, comme la belle dame et l’aimable maman, ont des raisons de ne pas conserver sur elles. Voilà, charmante étourdie, ce qu’il fallait dire à la petite maman, et n’ont pas ce que vous avez dit sans doute. Le parti que la belle dame a pris, est le seul à prendre, voilà mon avis, et je fais chercher à présent ce qu’il nous faut. C’est une fille que j’ai vue un de ces jours, de l’âge de la petite maman, assez jolie, douce, qui n’a eu qu’une faiblesse, et par inclination. Je vous l’enverrai tantôt. Elle restera dans la maison, et outre qu’on fera ainsi tout ce qu’on doit, on aura de plus le mérite d’une très belle charité envers cette pauvre fille.

P.-S. – Sur un papier séparé . Tu vois, ma belle, comme il faut s’y prendre, pour amener ces petites personnes à ce qu’on veut. Gage que ma lettre a produit son effet? Tu m’en diras des nouvelles.