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Lettre 16. Edmond, à ses père et mère.

[Son cœur conserve encore les apparences de son innocence première.].

25 décembre.

Mon très honoré père, et ma très chère mère,

Agréez les vœux et les hommages d’un fils respectueux, pour le commencement de la prochaine année. J’ai heureusement pour vous la souhaiter de bonnes nouvelles à vous apprendre de la très chère sœur Ursule, auprès de laquelle est actuellement ma cousine, ou plutôt notre seconde mère, à ma sœur et à moi. J’étais trop méchant sans doute l’an passé, pour mériter que le ciel bénît mes prières pour vous: mais il m’a châtié dans sa justice, en me punissant par où je vous avais désobéi. Puisse cette nouvelle année vous être plus agréable! au moins il n’y a plus rien de caché dans le fond de mon cœur, si ce n’est un trésor inépuisable de tendresse pour vous, mon cher père et ma très chère mère.

Vous verrez par la copie de la lettre ci-incluse, que Mme Parangon m’a fait l’honneur de m’écrire, les bonnes nouvelles que j’ai reçues de Paris. Est-il possible, cher père et chère mère, que je m’acquitte jamais de la reconnaissance que je dois à cette femme, digne d’un trône, par son penchant à bien faire, autant que par sa beauté? Non, cela n’est pas possible, et tout ce que je pourrai, c’est de mettre ses bontés sur la même ligne que les vôtres: car elle m’oblige d’autant plus, que ce n’est pas tant dans ma personne, que dans celle d’Ursule, l’image de ma bonne mère; ce qui me lie bien plus que si tout se faisait pour moi. Cependant, combien ne fait-elle pas pour moi-même?… Aussi, loin de désirer de m’acquitter, je veux au contraire lui toujours devoir, afin que ma reconnaissance soit pour moi un plaisir continuel, qui dure autant que ma vie, car il est des personnes dont nous aimons à être les obligés, parce que nous savons qu’elles ont trouvé tant de plaisir à nous faire du bien, que nous leur en sommes plus chers: tels vous êtes, cher père et chère mère, à l’égard de vos enfants, et telle est Mme Parangon, pour ma sœur et pour moi.

J’apprends que le cher frère aîné va bientôt vous faire renaître dans la postérité du plus vertueux de vos enfants: permettez que je vous félicite, et que je répande mon cœur devant vous, dans une circonstance aussi heureuse. Que vous aurez de plaisir, et que je m’en promets à voir votre satisfaction! Voilà le plus beau bouquet dont vos enfants puissent vous orner, et il était juste que ce fût de votre aîné que vous le reçussiez; puisqu’il a toutes vos vertus, et que nous le regardons comme votre lieutenant à notre égard. J’ose, dans cette lettre, qui vous est adressée, lui faire mes félicitations, et je le prie d’être persuadé que ma joie ne cédera qu’à la sienne, et à celle de la chère sœur, son épouse. C’est elle qui sera contente dans quelques jours! sensible comme elle est, chérissant son mari, vous respectant, comme elle le fait, jamais on n’aura vu de mère plus tendre, pas même la mienne, qui l’est infiniment. En attendant le bonheur de vous voir, cher père et chère mère, ainsi que mes frères et sœurs, je les embrasse tous, et je fais mille souhaits pour leur bonheur.

Je suis et serai toute ma vie, avec le plus profond respect et la plus vive tendresse, etc.