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Lettre 102. Ursule, à la Marquise.

[Elle travaille à ruiner le marquis, de concert avec sa femme.].

20 Mars.

Madame,

Votre charmante lettre a été baisée mille fois; elle m’a honorée, flattée à tous les titres possibles. J’espère que M. le marquis vous dira de mes nouvelles; cependant, s’il lui arrivait de se taire, je vais vous faire le tableau de ma conduite avec lui depuis vos instructions.

Dès le lendemain de votre lettre, il trouva chez moi un jeune capitaine de dragons, que j’ai connu page, un financier, un ambassadeur et un abbé. Je m’attachai à montrer des préférences au capitaine, à faire des signes d’intelligence au financier; à marquer une haute considération à l’ambassadeur et à parler souvent à l’oreille de l’abbé; au pauvre marquis, pas un mot; il fut traité en mari, autant qu’il est d’usage. Il s’est prêté de bonne grâce le premier jour; mais les choses ayant continué sur le même pied les jours suivants, et ma compagnie étant augmentée d’un colonel, d’un jeune robin et d’un seigneur de la cour, le marquis a réellement pris de l’humeur. Il s’est plaint, quoique avec discrétion. Je l’ai mal reçu. Il m’a traitée en femme intéressée, il m’a fait des présents; mais avec tant de profusion, que j’en suis honteuse; je me crois obligée à restitution. Je me ferais conscience de dissiper une fortune, dont la moitié vous appartient, madame. Oserai-je vous faire une proposition, et ne vous paraîtrai-je pas indiscrète, en vous priant d’accepter la plus forte portion de mes pirateries.?

J’ai l’honneur d’être, etc.

P.-S. – J’attends vos ordres pour vous faire parvenir ce qui doit retourner à sa légitime propriétaire.