La maladie de Grand-Mère
Un matin, Grand-Mère ne sort pas de sa chambre. Nous frappons à sa porte, nous l'appelons, elle ne répond pas.
Nous allons derrière la maison, nous brisons un carreau de la fenêtre de sa chambre pour pouvoir y entrer.
Grand-Mère est couchée sur le lit, elle ne bouge pas. Pourtant elle respire et son cœur bat. L'un de nous reste près d'elle, l'autre va chercher un médecin.
Le médecin examine Grand-Mère. Il dit:
– Votre Grand-Mère a eu une attaque d'apoplexie, une hémorragie cérébrale.
– Elle va mourir?
– On ne peut pas le savoir. Elle est vieille, mais son cœur est solide. Donnez-lui ces médicaments trois fois par jour. Et puis il faudrait quelqu'un pour s'occuper d'elle.
Nous disons:
– Nous nous occuperons d'elle. Qu'est-ce qu'il faut faire?
– Lui donner à manger, la laver. Elle va probablement rester paralysée définitivement.
Le médecin s'en va. Nous préparons une purée de Iegumes et nous donnons à manger à Grand-Mère avec une petite cuiller. Vers le soir, ça sent très mauvais dans sa chambre. Nous soulevons ses couvertures: sa paillasse est pleine d'excréments.
Nous allons chercher de la paille chez un paysan, nous achetons une culotte en caoutchouc pour bébe et des langes.
Nous déshabillons Grand-Mère, nous la lavons dans notre baignoire, nous lui faisons un lit propre. Elle est tellement maigre que la culotte de bébé lui va très bien. Nous changeons ses langes plusieurs fois par jour.
Une semaine plus tard, Grand-Mère commence à bouger ses mains. Un matin, elle nous reçoit avec des injures:
– Fils de chienne! Faites cuire une poule! Comment voulez-vous que je reprenne des forces avec vos verdures et vos purées? Je veux aussi du lait de chèvre! J'espère que vous n'avez rien négligé pendant que j'étais malade!
– Non, Grand-Mère, nous n'avons rien négligé.
– Aidez-moi à me lever, vauriens!
– Grand-Mère, vous devez rester couchée, le médecin l'a dit.
– Le médecin, le médecin! Quel imbécile! Paralysée définitivement! Je vais lui montrer, moi, comment je reste paralysée!
Nous l'aidons à se lever, nous l'accompagnons à la cuisine, nous l'asseyons sur le banc. Quand la poule est cuite, elle mange toute seule. Après le repas, elle dit:
– Qu'est-ce que vous attendez? Fabriquez-moi une canne bien solide, dépêchez-vous, fainéants. Je veux aller voir si tout va bien.
Nous courons dans la forêt, nous trouvons une branche qui convient et, sous ses yeux, nous taillons une canne aux mesures de Grand-Mère. Celle-ci s'en saisit et nous menace:
– Gare à vous, si tout n'est pas en ordre!
Elle va au jardin. Nous la suivons de loin. Elle entre dans les toilettes, nous l'entendons marmonner:
– Une culotte! Quelle idée! Ils sont complètement fous!
Quand elle rentre à la maison, nous allons voir aux toilettes. Elle a jeté la culotte et les langes dans le trou.