«Pourquoi d’Espinosa me sauve-t-il? A-t-il simplement voulu me donner un avertissement? Peut-être. Est-ce confiance démesurée en sa force ou dédain pour ma personne? Il faut savoir. Je saurai.»
Apaisé par la déclaration du grand inquisiteur, qu’il ne pouvait suspecter, le roi daignait s’excuser en ces termes:
– Excusez ma vivacité, madame; mais ce que me dit M. le grand inquisiteur est si extraordinaire, si inconcevable, que je pouvais douter de tout et de tous.
Fausta se contenta d’agréer les excuses royales d’un signe de tête d’une souveraine indifférence.
D’Espinosa se montra de moins bonne composition. Il est vrai que le roi ne lui avait encore donné aucune satisfaction. Après avoir déchargé Fausta au moment où il paraissait vouloir l’accabler, il reprit d’une voix grondante:
– Et maintenant, sire, que je vous ai dévoilé la vérité, maintenant que je vous ai montré ce que complotent les braves gens sur le sort de qui il vous plaît de vous apitoyer, je vais, me conformant aux volontés du roi, annuler les ordres que j’ai donnés, leur laisser le champ libre, leur donner toutes les facilités pour l’exécution de leur forfait.
Et sans attendre de réponse, il se dirigea d’un pas rude et violent vers la sortie.
– Arrêtez, cardinal! cria le roi.
D’Espinosa attendait cet ordre; il était sûr que son maître le lancerait. Sans hâte, sans joie, sans triompher, il se retourna posément, avec un tact admirable, ne montrant ni trop de hâte ni trop de lenteur, et, très calme, comme toujours, comme si rien ne s’était passé, il revint se placer derrière le fauteuil du roi.
– Monsieur le cardinal, dit Philippe d’une voix assez forte pour que tout le monde l’entendît dans la loge, vous êtes un bon serviteur, et nous n’oublierons pas le signalé service que vous nous rendez en ce jour.
D’Espinosa s’inclina profondément. Il avait obtenu la réparation qu’il espérait.
– Faites commencer la joute de ce Torero tant réputé, ajouta le roi. Je suis curieux de voir si le drôle mérite la réputation qu’on lui fait en Andalousie.