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Un matin, vers dix heures, Diana Monti se présentait chez Cocantin.

Le détective, dans l’ignorance complète non seulement du drame qui s’était déroulé au moulin tragique, mais encore de toutes les circonstances qui l’avaient suivi, accompagné et précédé, reçut avec d’autant plus d’amabilité l’ex-institutrice qu’il était incapable de résister à la fascination qu’exerçait sur lui toute jolie femme.

– Eh bien, cher monsieur Cocantin, attaqua résolument l’aventurière, avez-vous découvert quelque chose qui nous mette sur la piste de Judex?

À ces mots, le visage du détective se rembrunit.

Ce nom de Judex avait, en effet, le don de le plonger dans les transes les plus effroyables… et même l’appât de la forte somme, que les deux bandits lui avaient promise, n’avait pas réussi à stimuler son zèle.

– Chère madame, balbutia-t-il, dans ces sortes d’histoires, vous n’ignorez pas…

Diana interrompit aussitôt:

– Cher monsieur Cocantin, vous n’avez pas besoin de m’en dire davantage… Vous ne vous êtes occupé de rien…

– C’est-à-dire que…

– Inutile de rien me cacher, je suis fixée… Eh bien, ce n’est pas gentil de votre part… Je dirai même que ce n’est pas délicat… Quand on a promis…

À ces mots, Prosper redressa fièrement la tête, tout en lançant un coup d’œil vers le buste de Napoléon:

– Madame, avant tout, je suis un honnête homme et toutes ces histoires me lassent.

– Vous savez pourtant bien, rappelait l’ex-institutrice, qu’il y a cent mille francs pour vous si nous découvrons Judex et si, par lui, nous retrouvons Favraut.

– Cent mille francs, c’est une somme. Mais mon honneur… ma conscience…

– Ni votre honneur, ni votre conscience n’ont à voir dans tout ceci, ripostait l’aventurière en enveloppant d’une de ses plus savantes œillades l’excellent Prosper qui avait cessé de regarder Napoléon. Voyons… réfléchissez… Qu’est-ce que nous vous demandons? Nous aider à retrouver un homme arbitrairement séquestré… Qu’est-ce que vous risquez? Absolument rien… si ce n’est de gagner honnêtement cent beaux billets de mille, en accomplissant une bonne action et en obligeant une femme qui, liée à vous par une reconnaissance infinie… n’aura plus rien à vous refuser.

– Madame… que me dites-vous là?

– Monsieur Cocantin, vous me plaisez beaucoup, minaudait astucieusement la Monti… et il serait dommage que deux êtres comme nous, si bien faits pour s’entendre…

On frappait malencontreusement à la porte… C’était le garçon de bureau qui apportait à Cocantin une carte de visite.

– Amaury de la Rochefontaine…, s’écria Cocantin avec impatience… Dites-lui d’attendre, je le recevrai tout à l’heure.

– Amaury de la Rochefontaine, l’ancien fiancé de Jacqueline se demandait l’aventurière… Que vient-il faire ici?

Puis tout haut, elle reprit… d’une voix caressante qui fit agréablement tressaillir le galant détective privé:

– Vous connaissez ce monsieur?

– Ne m’en parlez pas!

– Pourtant, c’est un homme très chic.

– Je ne vous dis pas…

– Très argenté!

– Détrompez-vous!

Et, devenant confiant jusqu’à l’indiscrétion la plus absolue, Cocantin, complètement affolé par le savant manège de son interlocutrice, laissa échapper:

– Il est fauché… royalement fauché… la preuve, c’est qu’il vient me demander si je ne lui ai pas trouvé un bailleur de fonds.

À ces mots, Diana, comme prise d’une inspiration subite, s’était levée.

– Monsieur Cocantin, lançait-elle à brûle-pourpoint, laissez-moi recevoir M. de la Rochefontaine.

– Comment cela?…

– Je suis à même de vous rendre, à tous deux, un grand service.

– Mais…

– Il n’y a pas de mais… Laissez-moi faire… Vous n’aurez pas à le regretter.

– Vous connaissez donc mon client? questionnait Cocantin tout interloqué.

– Bien mieux que vous ne le connaissez vous-même… Je suis précisément à même de lui rendre le service qu’il vous demande… Il va de soi que la moitié de la commission sera pour vous…

– Cependant…

– Voulez-vous les trois quarts?

– Ce n’est pas cela que je voulais dire.

– Eh bien, pour la troisième fois, je vous le répète, laissez-moi faire…

– Vous êtes gentille…, cédait le fantoche inflammable qu’était le neveu du sieur Ribaudet.

– Mais, par exemple… veuillez donc passer dans une pièce voisine.

– C’est indispensable?

– Il le faut, mon cher ami… car vous voulez bien être mon ami?

– Vous êtes exquise.

Et, tout en conduisant elle-même Cocantin dans un cabinet de débarras attenant à son bureau, la Monti ordonna:

– Entrez là, et n’en sortez que quand je vous le dirai.

– Vous êtes divine! admirait Prosper, complètement subjugué.

Pour plus de précautions, Diana poussa le verrou qu’elle avait remarqué à la porte du cabinet; puis, comme chez elle, elle sonna le garçon, et lui ordonna avec autorité:

– Faites entrer M. de la Rochefontaine.

En apercevant, seule, dans le bureau de Cocantin, l’ex-institutrice des Sablons, Amaury eut un mouvement de vive surprise.

Mais l’aventurière s’avançait vers lui gracieuse, affable, souriante:

– Cher monsieur, disait-elle, vous ne vous attendiez guère à me retrouver ici?

– Je l’avoue, mademoiselle.

– Croyez que je suis enchantée de vous revoir.

– Et moi de même.

– D’autant plus que je me préparais à vous écrire.

Et Diana, baissant la voix, ajouta:

– J’ai une communication très intéressante à vous faire. Très à son aise, entièrement maîtresse d’elle-même, la Monti continuait:

– Voilà pourquoi j’ai demandé à mon cher ami Cocantin de nous laisser seuls… Veuillez donc vous asseoir, cher monsieur, et me prêter cinq minutes d’attention… La chose en vaut la peine.

Quelque peu méfiant, et surtout très intrigué, Amaury obéit tout en se disant: