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Ils étaient sur le point d’entrer dans le village quand une bourrasque de vent arracha le bonnet de Pinocchio qui alla valser une dizaine de pas plus loin. Alors, s’adressant aux gendarmes:

– Puis-je aller chercher mon bonnet?

– D’accord. Mais faisons vite.

Pinocchio alla donc ramasser le bonnet mais, au lieu de le remettre sur sa tête, il le fourra entre ses dents et se mit à courir à toute allure vers la plage. Il filait comme une balle de fusil.

Les gendarmes, comprenant qu’il leur serait difficile de le rattraper, lâchèrent un énorme dogue qui gagnait habituellement toutes les courses de chiens. Pinocchio courait très vite, le chien aussi. Les villageois se pressèrent à leurs fenêtres et dans la rue, curieux de connaître l’épilogue de cette féroce compétition.

Ils durent rester sur leur faim: Pinocchio et le dogue soulevaient une telle poussière qu’en peu de temps il ne fut plus possible de rien voir.

Chapitre 28

Pinocchio court le grand danger d’être frit à la poêle, comme un poisson.

Lors de cette course désespérée arriva un moment terrible où la marionnette se crut perdue. En effet, Alidor – c’était le nom du chien – courait si vite qu’il avait presque rattrapé Pinocchio. A tel point que celui-ci pouvait entendre, juste derrière lui, la respiration haletante de la sale bête et sentir la chaleur de son haleine.

Heureusement, la plage était toute proche car on pouvait déjà voir la mer.

Arrivé sur le sable du rivage, Pinocchio sauta comme une grenouille et plongea dans les flots. Son poursuivant, au contraire, voulut s’arrêter mais, emporté par sa course infernale, il se retrouva à l’eau lui aussi. Ne sachant pas nager, le dogue se mit à agiter convulsivement ses pattes pour se maintenir à la surface. Or, plus il remuait ses pattes, plus il coulait.

Hagard, ses yeux exprimant la terreur, le pauvre chien aboyait et suppliait:

– Au secours! Je me noie! Je me noie!

– Va te faire… – répliquait la marionnette qui se tenait à distance, loin de tout danger.

– Aide-moi, Pinocchio, mon ami! Sauve-moi de la mort!

Pinocchio, qui avait le cœur sur la main, finit par être ému par ces cris déchirants. Alors, s’adressant au dogue:

– Si je t’aide à te tirer de ce mauvais pas, tu me promets de me laisser tranquille?

– Je te le jure! Je te le jure! Dépêche-toi, par pitié! Si tu hésites une minute de plus, je suis mort.

C’est vrai qu’il hésitait, Pinocchio. Mais il se rappela ce que son papa lui avait dit tant de fois, à savoir qu’un bienfait n’est jamais perdu. Il nagea donc jusqu’à Alidor, le saisit par la queue et le tira jusque sur le sable sec du rivage.

Le chien ne tenait plus sur ses pattes. Il avait bu tellement d’eau salée qu’il était gonflé comme un ballon. Pour autant Pinocchio ne s’y fiait pas trop et il estima plus prudent de retourner dans la mer. En s’éloignant du bord, il lança à son poursuivant devenu son obligé:

– Adieu Alidor, bon voyage et bonjour chez toi

– Adieu, Pinocchio. – répondit le dogue – Merci mille fois de m’avoir sauvé la vie. Tu m’as rendu un fier service et, en ce monde, un bienfait n’est jamais perdu. Si l’occasion se présente, on en reparlera.

Pinocchio continua à nager en restant près du bord et il arriva dans une zone où il lui sembla être en sécurité. Là il vit, creusée dans les rochers qui surplombaient la côte, une espèce de grotte d’où sortait un long panache de fumée.

– Dans cette grotte – se dit-il – il doit y avoir du feu. Tant mieux! Ainsi je pourrai me sécher et me réchauffer. Et après? Après, on verra bien…

Sa résolution prise, il se rapprocha des rochers, mais au moment où il était sur le point de se hisser hors de l’eau, il sentit quelque chose qui le soulevait et le tirait à l’air libre. Il tenta de fuir. Trop tard: à sa grande surprise, il réalisa qu’il était pris dans un grand filet au milieu d’une multitude de poissons de toutes formes et de toutes tailles, qui se débattaient et remuaient leurs nageoires caudales avec la rage du désespoir.

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En même temps, il vit sortir de la grotte un pêcheur très laid, si laid qu’il ressemblait à un monstre marin. Au lieu de cheveux, il avait sur la tête un buisson touffu d’algues vertes, verte également était la couleur de sa peau, verts étaient ses yeux et même sa longue barbe, qui descendait jusqu’à ses pieds, était verte. On aurait dit un énorme lézard vert debout sur ses pattes de derrière.

Quand le pêcheur eut achevé d’amener le filet, il s’exclama tout content:

– Bénie soit la Providence! Je vais faire bombance de poissons encore aujourd’hui.

– Heureusement que je ne suis pas un poisson! – se dit Pinocchio qui reprenait courage.

L’homme traîna le filet plein de poissons jusque dans la grotte, une grotte sombre et enfumée au centre de laquelle trônait une grande poêle dans laquelle frémissait de l’huile qui dégageait une odeur insoutenable de bougie fondue.

– Maintenant, voyons ce que nous avons pris – dit le pêcheur vert de la tête aux pieds.

Plongeant dans le filet une main grande comme une pelle de boulanger, il en sortit une poignée de rougets.

– Bien, très bien ces rougets! – estima-t-il en les regardant et en les flairant, la mine satisfaite.

Les ayant bien flairés, il les jeta dans une cuvette vide.

Il répéta plusieurs fois la même opération. Au fur et à mesure qu’il sortait les poissons, son appétit grandissait et il jubilait:

– Parfaits ces merlans!…

– Exquis ces mulets!…

– Délicieuses ces soles!…

– Impeccables ces vives!…

– Et ces anchois frais! Magnifiques!

Évidemment, merlans, mulets, soles, vives et anchois allèrent tous rejoindre pêle-mêle les rougets dans la cuvette.

Il ne restait plus que Pinocchio.

Dés que le pêcheur l’eut sorti du filet, il écarquilla ses grands yeux verts et grommela, inquiet:

– Quel sorte de poisson est-ce donc? Des poissons comme celui-là, je n’en ai jamais mangé!

Il le regarda longuement sous tous les angles et conclut:

– J’ai compris: ce doit être une sorte de crabe.

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