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– Oui, M. de Coconnas, qu’est-il devenu?

– Oh! Sire, je ne suis point inquiet de lui. En apercevant les soldats, il ne m’a dit qu’un mot:» – Risquons-nous quelque chose?» – La tête, lui ai-je répondu.» – Et te sauveras-tu, toi?» – Je l’espère.

» – Eh bien, moi aussi,» a-t-il répondu. Et je vous jure qu’il se sauvera, Sire. Quand on prendra Coconnas, je vous en réponds, c’est qu’il lui conviendra de se laisser prendre.

– Alors, dit Henri, tout va bien, tout va bien; tâchons de regagner le Louvre.

– Ah! mon Dieu, fit La Mole, rien de plus facile, Sire; enveloppons-nous de nos manteaux et sortons. La rue est pleine de gens accourus au bruit, on nous prendra pour des curieux.

En effet, Henri et La Mole trouvèrent la porte ouverte, et n’éprouvèrent d’autre difficulté pour sortir que le flot de populaire qui encombrait la rue.

Cependant tous deux parvinrent à se glisser par la rue d’Averon; mais en arrivant rue des Poulies, ils virent, traversant la place Saint-Germain-l’Auxerrois, de Mouy et son escorte conduits par le capitaine des gardes, M. de Nancey.

– Ah! ah! dit Henri, on le conduit au Louvre, à ce qu’il paraît. Diable! les guichets vont être fermés… On prendra les noms de tous ceux qui rentreront; et si l’on me voit rentrer après lui, ce sera une probabilité que j’étais avec lui.

– Eh bien! mais, Sire, dit La Mole, rentrez au Louvre autrement que par le guichet.

– Comment diable veux-tu que j’y rentre?

– Votre Majesté n’a-t-elle point la fenêtre de la reine de Navarre?

– Ventre-saint-gris! monsieur de la Mole, dit Henri, vous avez raison. Et moi qui n’y pensais pas!… Mais comment prévenir la reine?

– Oh! dit La Mole en s’inclinant avec une respectueuse reconnaissance, Votre Majesté lance si bien les pierres!

XVI De Mouy de Saint-Phale

Cette fois, Catherine avait si bien pris ses précautions qu’elle croyait être sûre de son fait.

En conséquence, vers dix heures, elle avait renvoyé Marguerite, bien convaincue, c’était d’ailleurs la vérité, que la reine de Navarre ignorait ce qui se tramait contre son mari, et elle était passée chez le roi, le priant de retarder son coucher.

Intrigué par l’air de triomphe qui, malgré sa dissimulation habituelle, épanouissait le visage de sa mère, Charles questionna Catherine, qui lui répondit seulement ces mots:

– Je ne puis dire qu’une chose à Votre Majesté, c’est que ce soir elle sera délivrée de ses deux plus cruels ennemis.

Charles fit ce mouvement de sourcil d’un homme qui dit en lui-même: C’est bien, nous allons voir. Et sifflant son grand lévrier, qui vient à lui se traînant sur le ventre comme un serpent et posa sa tête fine et intelligente sur le genou de son maître, il attendit.

Au bout de quelques minutes, que Catherine passa les yeux fixes et l’oreille tendue, on entendit un coup de pistolet dans la cour du Louvre.

– Qu’est-ce que ce bruit? demanda Charles en fronçant le sourcil, tandis que le lévrier se relevait par un mouvement brusque en redressant les oreilles.

– Rien, dit Catherine; un signal, voilà tout.

– Et que signifie ce signal?

– Il signifie qu’à partir de ce moment, Sire, votre unique, votre véritable ennemi, est hors de vous nuire.

– Vient-on de tuer un homme? demanda Charles en regardant sa mère avec cet œil de maître qui signifie que l’assassinat et la grâce sont deux attributs inhérents à la puissance royale.

– Non, Sire; on vient seulement d’en arrêter deux.

– Oh! murmura Charles, toujours des trames cachées, toujours des complots dont le roi n’est pas. Mort-diable! ma mère, je suis grand garçon cependant, assez grand garçon pour veiller sur moi-même, et n’ai besoin ni de lisière ni de bourrelet. Allez-vous-en en Pologne avec votre fils Henri, si vous voulez régner; mais ici vous avez tort, je vous le dis, de jouer ce jeu-là.

– Mon fils, dit Catherine, c’est la dernière fois que je me mêle de vos affaires. Mais c’était une entreprise commencée depuis longtemps, dans laquelle vous m’avez toujours donné tort, et je tenais à cœur de prouver à Votre Majesté que j’avais raison.

En ce moment plusieurs hommes s’arrêtèrent dans le vestibule, et l’on entendit se poser sur la dalle la crosse des mousquets d’une petite troupe.

Presque aussitôt M. de Nancey fit demander la permission d’entrer chez le roi.

– Qu’il entre, dit vivement Charles.

M. de Nancey entra, salua le roi, et se tournant vers Catherine:

– Madame, dit-il, les ordres de Votre Majesté sont exécutés: il est pris.

– Comment, il? s’écria Catherine fort troublée; n’en avez-vous pris qu’un?

– Il était seul, madame.

– Et s’est-il défendu?

– Non, il soupait tranquillement dans une chambre, et a remis son épée à la première sommation.

– Qui cela? demanda le roi.

– Vous allez voir, dit Catherine. Faites entrer le prisonnier, monsieur de Nancey. Cinq minutes après de Mouy fut introduit.

– De Mouy! s’écria le roi; et qu’y a-t-il donc, monsieur?

– Eh! Sire, dit de Mouy avec une tranquillité parfaite, si Votre Majesté m’en accorde la permission, je lui ferai la même demande.

– Au lieu de faire cette demande au roi, dit Catherine, ayez la bonté, monsieur de Mouy, d’apprendre à mon fils quel est l’homme qui se trouvait dans la chambre du roi de Navarre certaine nuit, et qui, cette nuit-là, en résistant aux ordres de Sa Majesté comme un rebelle qu’il est, a tué deux gardes et blessé M. de Maurevel?

– En effet, dit Charles en fronçant le sourcil; sauriez-vous le nom de cet homme, monsieur de Mouy?

– Oui, Sire; Votre Majesté désire-t-elle le connaître?

– Cela me ferait plaisir, je l’avoue.

– Eh bien, Sire, il s’appelait de Mouy de Saint-Phale.

– C’était vous?

– Moi-même!

Catherine, étonnée de cette audace, recula d’un pas vers le jeune homme.

– Et comment, dit Charles IX, osâtes-vous résister aux ordres du roi?

– D’abord, Sire, j’ignorais qu’il y eût un ordre de Votre Majesté; puis je n’ai vu qu’une chose, ou plutôt qu’un homme, M. de Maurevel, l’assassin de mon père et de M. l’amiral. Je me suis rappelé alors qu’il y avait un an et demi, dans cette même chambre où nous sommes, pendant la soirée du 24 août, Votre Majesté m’avait promis, parlant à moi-même, de nous faire justice du meurtrier; or, comme il s’était depuis ce temps passé de graves événements, j’ai pensé que le roi avait été malgré lui détourné de ses désirs. Et voyant Maurevel à ma portée, j’ai cru que c’était le ciel qui me l’envoyait. Votre Majesté sait le reste, Sire; j’ai frappé sur lui comme sur un assassin et tiré sur ses hommes comme sur des bandits.