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– Votre Majesté comprendra que c’est une chose bien naturelle quand elle saura que madame de Sauve a eu de moi des soins que je ne méritais pas, n’étant qu’un simple serviteur.

– Et dans quelle occasion a-t-elle eu de toi ces soins? demanda Catherine, feignant d’ignorer l’événement arrivé au jeune garçon.

– Madame, lorsque je fus blessé.

– Ah! pauvre enfant! dit Catherine, tu as été blessé?

– Oui, madame.

– Et quand cela?

– Le soir où l’on vint pour arrêter le roi de Navarre. J’eus si grand-peur en voyant des soldats, que je criai, j’appelai; l’un d’eux me donna un coup sur la tête et je tombai évanoui.

– Pauvre garçon! Et te voilà bien rétabli, maintenant?

– Oui, madame.

– De sorte que tu cherches le roi de Navarre pour rentrer chez lui?

– Non, madame. Le roi de Navarre, ayant appris que j’avais osé résisté aux ordres de Votre Majesté, m’a chassé sans miséricorde.

– Vraiment! dit Catherine avec une intonation pleine d’intérêt. Eh bien, je me charge de cette affaire. Mais si tu attends madame de Sauve, tu l’attendras inutilement; elle est occupée au-dessus d’ici, chez moi, dans mon cabinet.

Et Catherine, pensant qu’Orthon n’avait peut-être pas eu le temps de cacher le billet derrière la glace, entra dans le cabinet de madame de Sauve pour laisser toute liberté au jeune homme.

Au même moment, et comme Orthon, inquiet de cette arrivée inattendue de la reine mère, se demandait si cette arrivée ne cachait pas quelque complot contre son maître, il entendit frapper trois petits coups au plafond; c’était le signal qu’il devait lui-même donner à son maître dans le cas de danger, quand son maître était chez madame de Sauve et qu’il veillait sur lui.

Ces trois coups le firent tressaillir; une révélation mystérieuse l’éclaira, et il pensa que cette fois l’avis était donné à lui-même; il courut donc au miroir, et en retira le billet qu’il y avait déjà posé.

Catherine suivait, à travers une ouverture de la tapisserie, tous les mouvements de l’enfant; elle le vit s’élancer vers le miroir, mais elle ne sut si c’était pour y cacher le billet ou pour l’en retirer.

– Eh bien, murmura l’impatiente Florentine, pourquoi tarde-t-il donc maintenant à partir? Et elle rentra aussitôt dans la chambre le visage souriant.

– Encore ici, petit garçon? dit-elle. Eh bien! mais qu’attends-tu donc? Ne t’ai-je pas dit que je prenais en main le soin de ta petite fortune? Quand je te dis une chose, en doutes-tu?

– Oh! madame, Dieu m’en garde! répondit Orthon. Et l’enfant, s’approchant de la reine, mit un genou en terre, baisa le bas de sa robe et sortit rapidement. En sortant il vit dans l’antichambre le capitaine des gardes qui attendait Catherine. Cette vue n’était pas faite pour éloigner ses soupçons; aussi ne fit-elle que les redoubler. De son côté Catherine n’eut pas plus tôt vu la tapisserie de la portière retomber derrière Orthon, qu’elle s’élança vers le miroir. Mais ce fut inutilement qu’elle plongea derrière lui sa main tremblante d’impatience, elle ne trouva aucun billet. Et cependant elle était sûre d’avoir vu l’enfant s’approcher du miroir. C’était donc pour reprendre et non pour déposer. La fatalité donnait une force égale à ses adversaires. Un enfant devenait un homme du moment où il luttait contre elle. Elle remua, regarda, sonda: rien!…

– Oh! le malheureux! s’écria-t-elle. Je ne lui voulais cependant pas de mal, et voilà qu’en retirant le billet il va au-devant de sa destinée. Holà! monsieur de Nancey, holà!

La voix vibrante de la reine mère traversa le salon et pénétra jusque dans l’antichambre ou se tenait, comme nous l’avons dit, le capitaine des gardes.

M. de Nancey accourut.

– Me voilà, dit-il, madame. Que désire Votre Majesté?

– Vous êtes dans l’antichambre?

– Oui, madame.

– Vous avez vu sortir un jeune homme, un enfant?

– À l’instant même.

– Il ne peut être loin encore?

– À moitié de l’escalier à peine.

– Rappelez-le.

– Comment se nomme-t-il?

– Orthon. S’il refuse de revenir, ramenez-le de force. Cependant ne l’effrayez point s’il ne fait aucune résistance. Il faut que je lui parle à l’instant même.

Le capitaine des gardes s’élança.

Comme il l’avait prévu, Orthon était à peine à moitié de l’escalier, car il descendait lentement dans l’espérance de rencontrer dans l’escalier ou d’apercevoir dans quelque corridor le roi de Navarre ou madame de Sauve.

Il s’entendit rappeler et tressaillit.

Son premier mouvement fut de fuir; mais avec une puissance de réflexion au-dessus de son âge, il comprit que s’il fuyait il perdait tout. Il s’arrêta donc.

– Qui m’appelle?

– Moi, M. de Nancey, répondit le capitaine des gardes en se précipitant par les montées.

– Mais je suis bien pressé, dit Orthon.

– De la part de Sa Majesté la reine mère, reprit M. de Nancey en arrivant près de lui. L’enfant essuya la sueur qui coulait sur son front et remonta. Le capitaine le suivit par-derrière.

Le premier plan qu’avait formé Catherine était d’arrêter le jeune homme, de le faire fouiller et de s’emparer du billet dont elle le savait porteur; en conséquence, elle avait songé à l’accuser de vol, et déjà avait détaché de la toilette une agrafe de diamants dont elle voulait faire peser la soustraction sur l’enfant; mais elle réfléchit que le moyen était dangereux, en ceci qu’il éveillait les soupçons du jeune homme, lequel prévenait son maître, qui alors se défiait, et dans sa défiance ne donnait point prise sur lui.

Sans doute elle pouvait faire conduire le jeune homme dans quelque cachot; mais le bruit de l’arrestation, si secrètement qu’elle se fit, se répandrait dans le Louvre, et un seul mot de cette arrestation mettrait Henri sur ses gardes.

Il fallait cependant à Catherine ce billet, car un billet de M. de Mouy au roi de Navarre, un billet recommandé avec tant de soin devait renfermer toute une conspiration. Elle replaça donc l’agrafe où elle l’avait prise.

– Non, non, dit-elle, idée de sbire; mauvaise idée. Mais pour un billet… qui peut-être n’en vaut pas la peine, continua-t-elle en fronçant les sourcils, et en parlant si bas qu’elle-même pouvait à peine entendre le bruit de ses paroles. Eh! ma foi, ce n’est point ma faute; c’est la sienne. Pourquoi le petit brigand n’a-t-il point mis le billet où il devait le mettre? Ce billet, il me le faut.