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– Non pas, dit le duc, vous devez être fatigué, mon cher petit enfant de chœur.

– Ma foi non, c'était trop réjouissant.

– Mayenne, vous dites qu'il est ici? demanda le duc.

– Oui.

– Je ne l'ai pas aperçu.

– Je crois bien, il est caché.

– Et où cela?

– Dans un confessionnal.

Ces mots retentirent aux oreilles de Chicot comme les cent mille trompettes de l'Apocalypse.

– Qui donc est caché dans un confessionnal? demanda-t-il en s'agitant dans sa boîte; ventre de biche! je ne vois que moi.

– Alors il a tout vu et tout entendu? demanda le duc.

– N'importe, n'est-il pas à nous?

– Amenez-le-moi, Mayenne, dit le duc.

Mayenne descendit un des escaliers du chœur, parut s'orienter, et se dirigea en droite ligne vers le confessionnal habité par le Gascon.

Chicot était brave; mais, cette fois, ses dents claquèrent d'épouvante, et une sueur froide commença de dégoutter de son front sur ses mains.

– Ah ça, dit-il en lui-même en essayant de dégager son épée des plis de son froc, je ne veux cependant pas mourir comme un coquin, dans ce coffre. Allons au-devant de la mort, ventre de biche! et, puisque l'occasion s'en présente, tuons-le au moins avant que de mourir.

Et, pour mettre à exécution ce courageux projet, Chicot, qui avait enfin trouvé la poignée de son épée, passait déjà la main sur le loquet de la porte, quand la voix de la duchesse retentit.

– Pas dans celui-là, Mayenne, dit-elle, pas dans celui-là, dans l'autre, à gauche, tout au fond.

– Ah! fort bien, dit le duc, qui étendait déjà la main vers le confessionnal de Chicot, et qui, à l'indication de sa sœur, tourna brusquement vers le confessionnal opposé.

– Ouf! dit le Gascon en poussant un soupir que lui eût envié Gorenflot; il était temps! mais qui diable est donc dans l'autre?

– Sortez, maître Nicolas David, dit Mayenne, nous sommes seuls.

– Me voici, monseigneur, dit un homme en sortant du confessionnal.

– Bon, dit le Gascon, tu manquais à la fête, maître Nicolas; je te cherchais partout, et voilà qu'enfin, au moment où je ne te cherchais plus, je t'ai trouvé.

– Vous avez tout vu et tout entendu, n'est-ce pas? dit le duc de Guise.

– Je n'ai pas perdu un mot de ce qui s'est passé, et je n'en oublierai pas un détail, soyez tranquille, monseigneur.

– Vous pourrez donc tout rapporter à l'envoyé de Sa Sainteté Grégoire XIII? demanda le Balafré.

– Tout sans rien omettre.

– Maintenant mon frère de Mayenne me dit que vous avez fait des merveilles pour nous. Voyons, qu'avez-vous fait?

Le cardinal et la duchesse se rapprochèrent avec curiosité. Les trois princes et leur sœur formaient alors un seul groupe.

Éclairé en plein par la lampe, Nicolas David était à trois pieds d'eux.

– J'ai fait ce que j'avais promis, monseigneur, dit Nicolas David, c'est-à-dire que j'ai trouvé le moyen de vous faire asseoir sans conteste sur le trône de France.

– Eux aussi! s'écria Chicot. Ah ça, mais tout le monde va donc être le roi de France! Aux derniers les bons.

On voit que la gaieté était ressuscitée dans l'esprit du brave Chicot. Cette gaieté naissait de trois circonstances:

D'abord, il échappait d'une manière inattendue à un danger imminent, ensuite il découvrait une bonne conspiration; enfin, dans cette bonne conspiration, il trouvait un moyen de perdre ses deux grands ennemis: le duc de Mayenne et l'avocat Nicolas David.

– Cher Gorenflot! murmura-t-il quand toutes ses idées se furent un peu casées dans sa tête, quel souper je te payerai demain pour la location de ton froc, va!

– Et si l'usurpation est trop flagrante, abstenons-nous de ce moyen, dit Henri de Guise. Je ne veux pas avoir à dos tous les rois de la chrétienté, qui procèdent de droit divin.

– J'ai songé à ce scrupule de monseigneur, dit l'avocat en saluant le duc et en promenant sur le triumvirat un œil assuré. Je ne suis pas seulement habile dans l'art de l'escrime, monseigneur, comme mes ennemis auraient pu le répandre pour m'enlever votre confiance; nourri d'études théologiques et légales, j'ai consulté, comme doit le faire un bon casuiste et un juriste savant, les annales et les décrets qui donnent du poids à mon assertion dans nos habitudes de succession au trône. C'est gagner tout que gagner la légitimité, et j'ai découvert, messeigneurs, que vous êtes héritiers légitimes, et que les Valois ne sont qu'une branche parasite et usurpatrice.

La confiance avec laquelle Nicolas David prononça ce petit exorde donna une joie fort vive à madame de Montpensier, une curiosité fort grande au cardinal et au duc de Mayenne, et dérida presque le front sévère du duc de Guise.

– Il est difficile cependant, dit-il, que la maison de Lorraine, fort illustre d'ailleurs, prétende au pas sur les Valois.

– Cela est pourtant prouvé, monseigneur, dit maître Nicolas en relevant son froc pour tirer un parchemin de ses larges chausses, et en découvrant par ce mouvement la poignée d'une longue rapière.

Le duc prit le parchemin des mains de Nicolas David.

– Qu'est-ce que cela? demanda-t-il.

– L'arbre généalogique de la maison de Lorraine.

– Dont la souche est?

– Charlemagne, monseigneur.

– Charlemagne! s'écrièrent les trois frères avec un air d'incrédulité qui, néanmoins, n'était pas exempt d'une certaine satisfaction; c'est impossible. Le premier duc de Lorraine était contemporain de Charlemagne, mais il s'appelait Ranier, et n'était nullement parent de ce grand empereur.

– Attendez donc, monseigneur, dit Nicolas. Vous comprenez bien que je n'ai point été chercher une de ces questions que l'on tranche par un simple démenti et que le premier juge d'armes met à néant. Ce qu'il vous faut, à vous, c'est un bon procès qui dure longtemps, qui occupe le parlement et le peuple, pendant lequel vous puissiez séduire, non pas le peuple, il est à vous, mais le parlement. Voyez donc, monseigneur, c'est bien cela: Ranier, premier duc de Lorraine, contemporain de Charlemagne.

Guilbert, son fils, contemporain de Louis le Débonnaire.

Henri, fils de Guilbert, contemporain de Charles le Chauve.

– Mais!… dit le duc de Guise.