Quand Thierry lui demande de montrer ses jambes, elle remonte sa jupe jusqu'à mi-cuisses. Quand Messaoud la supplie de ne pas s'arrêter en si bon chemin, wlle la soulève jusqu'à la taille. Elle porte une culotte de soie noire (Marité et François Girbaud, me dit-elle chez moi), genre sagement SM, fermée devant par de petits boutons de nacre. Dans le bar, on s'affole. Quand Jacky lui suggère de montrer ses seins, elle dégrafe une attache de sa robe et montre ses seins.

On baise sur le canapé du salon. J'ai encore une fois trop bu et trop mangé, je me demande de temps en temps si elle s'est lavée, je me le reproche aussitôt (car après tout qu'importé), le manque de sommeil de la nuit précédente se fait lamentablement ressentir (je ne suis plus fougueux et tenace comme à dix-huit ans – ni même comme la veille), mais je parviens tout de même à tenir la cadence infernale qu'elle impose pendant un petit quart d'heure, puis, après un entracte principalement consacré à l'absorption d'un camembert (qu'elle couronne, sans moi, de quelques Pépitos), nous nous mélangeons de nouveau pendant une vingtaine de minutes. Je suis épuisé mais c'est un plaisir. Alors qu'elle est assise sur moi et que je vois avec béatitude mon fourbu mais valeureux porte-parole aller et venir «dans ses fesses», comme elle dit, au-delà de sa chatte momentanément innocente, elle murmure:

– Je veux jouir.

Ça ne me dérange pas, je pensais même que c'était convenu dès le départ. J'ai d'ailleurs fait ce que je pouvais mais elle n'a pas dû s'en rendre compte – je ne lui en veux nullement, je ne suis pas très doué pour communiquer. Je lui dis, assez stupidement:

– Oui, moi aussi je veux que tu jouisses.

Du coup, on dirait que je n'attends que ça depuis le début mais que je ne sais pas comment m'y prendre pour atteindre mon objectif (et c'est vrai). Rassurée par ma bonne volonté manifeste, elle se dégage en douceur, s'allonge sur le dos et écarte les jambes en pliant les genoux.

– Viens.

De toute façon peu enclin à partir juste à ce moment-là, je viens. Je me glisse en elle non pas comme dans du beurre (ceux qui ont essayé savent que c'est très difficile) mais comme dans de la crème. Je commence à l'assister dans son entreprise, lentement, délicatement, car si je vois où elle veut en venir, je ne connais pas le moyen de transport.

Elle m'en donne vite les clés.

– Fort. Fort. Fort. Fort! FORT!

Tandis que je rassemble toutes mes forces pour lui faire croire que je suis un titan coriace et plein de ressources, elle serre les cuisses sur ma taille, me coince dans un étau qui m'étrangle et ne cesse de répéter:

– Fort!

Malheureusement, coincé dans un étau qui m'étrangle, je ne peux plus bouger. Je pose mes mains sur ses genoux et tente de les écarter un peu. Ce n'est pas facile. Elle résiste comme une damnée, mais me crie néanmoins:

– Baise-moi fort!

Interloqué, je ne sais plus que penser. Me fiant à ses paroles plutôt qu'aux apparences, je décide de continuer à essayer de la baiser – c'est le plus logique. J'utilise donc toute mon énergie musculaire pour lui écarter les genoux (c'est inquiétant, je m'attends à entendre un tendon claquer), et je la défonce à la rustre.

– Vas-y, fort! Baise-moi!

Je redouble de sauvagerie. Elle commence à se masturber. Elle me dévisage avec de grands yeux effarés, je perds peu à peu le sens de la réalité.

– Fort!

Elle plaque ses deux mains sur mes épaules comme pour me repousser. Elle ouvre la bouche, semblant réellement apeurée, j'ai l'impression qu'elle va se mettre à pleurer.

– Non! Non!

Je reviens sur terre à la vitesse de l'éclair et j'm'arrête.

– Je te fais mal?

– Non, pas du tout, dit-elle, l'air égaré, le visage encore assombri par des traces d'inquiétude. Continue. S'il te plaît. Baise-moi.

Je me remets volontiers en action, plus excité et plus brutal. Elle se branle de nouveau, de plus en plus vite. Ses yeux s'écarquillent.

– Tu vas me faire jouir… Parfait.

Elle se mord les lèvres et secoue la tête, sans pour autant me quitter du regard. Elle semble en proie à une véritable épouvante. Je suis son bourreau.

– Je vais jouir…

Je n'ai jamais vu une telle expression sur le visage de quelqu'un. Elle a la tête que doit avoir une femme dont on perfore le ventre à la perceuse.

– Ça y est…

Elle ne bouge plus. Ses lèvres tremblent, ses yeux sont immenses, ronds, horrifiés. Elle crie:

– Tu sens?

Pendant une fraction de seconde, je me dis qu'elle dégage peut-être une odeur particulière quand elle jouit, comme les putois quand on les attaque. Mais je n'ai pas le temps d'en sourire car elle répète, beaucoup plus fort cette fois:

– TU SENS?

Oui, je sens, je sens sa chatte se dilater, puis se contracter très fort. Défigurée par le plaisir si proche de la douleur mais belle à en tomber dans les pommes (bien que je sois en train de déjanter complètement, de me laisser emporter par un accès de fièvre foudroyant, je trouve assez de lucidité pour me faire cette réflexion: à cet instant, elle parvient à dépasser sa condition d'être humain, elle est plus qu'humaine, plus que vivante), elle se met à hurler. Ce mot ne suffit pas à décrire la puissance de ses cris – mais dans la langue française, il n'existe pas de verbe qui puisse en donner une idée correcte (vagir, c'est moche). Je n'ai jamais entendu qui que ce soit produire un tel son. (Pour imaginer, la métaphore de la souris jouisseuse n'étant pas des plus parlantes, on peut tenter de ramener à des proportions presque humaines le bruit d'un avion au décollage ou le barrissement d'un éléphant quand on se tient debout sous sa trompe.) Je ne peux m'empêcher de faire une grimace en plissant les yeux, comme si je redoutais que mes tympans n'éclatent. Pendant une vingtaine de secondes, ses hurlements déchirent l'air du salon. Emporté sur un radeau en pleine tempête, je perds tout contact avec le monde, je jouis à m'en anéantir le corps, je crie aussi, comme un animal – ce que je ne fais jamais -, je finis par m'effondrer sur elle et nous restons plusieurs minutes abattus sur le canapé, immobiles, emmêlés et haletants.

Je reprends peu à peu conscience de ce qui nous entoure. Olive paraît triste – comme toujours après avoir joui. Je vois mon caleçon sur le parquet, du courrier entassé sur la table basse, plus haut la photo de Greta Garbo qui nous regarde. Dans la rue, j'entends des garçons qui pouffent. Ce sont probablement les quatre jeunes qui traînent toutes les nuits devant la porte de l'immeuble voisin. L'un d'eux crie:

– T'aimes ça, hein, salope?

Ensuite, nous baisons souvent comme ça: je suis sur elle et j'écarte ses genoux malgré sa résistance. Elle jouit plus facilement dans cette position. En levrette, aussi, quand j'enfonce mes ongles dans ses hanches pour l'obliger à rester en place. Elle aime que je lui tire les cheveux pour lui relever la tête, que je plaque une main sur son cou et que je serre jusqu'à la limite, jusqu'à ce qu'elle se sente partir. Elle aime qu'on la force. (Un soir, elle se débat comme d'habitude, avec ce visage contracté par la terreur et la souffrance, je m'emploie énergiquement à la maintenir en place pour la clouer au matelas comme un paysan qui viole sa jeune bonne: plus elle me repousse, plus elle gémit «Non, non, arrête», plus je m'acharne sur elle. En fait, elle avait réellement mal (le lendemain, nous sommes aux urgences gynécologiques de Bichat), elle me suppliait sincèrement d'arrêter. Et moi je la tringlais comme un âne.) Elle aime avoir la sensation qu'on la contraint, qu'on la domine, qu'on peut faire ce qu'on veut d'elle. Elle se méprise, se trouve sans aucun intérêt, sans personnalité ni intelligence, elle estime qu'elle n'a que son corps de valable et désire qu'on pense la même chose. Ça la dégoûte et ça l'excite. Un jour, je lui demande: