TALTHYBIOS.

Une telle louange de soi-même, quand elle est pleine de vérité, peut être honorablement prononcée par une noble femme.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Ainsi, elle vient de t'apprendre toute sa pensée, en paroles claires, afin que tu la connaisses. Mais, parle, héraut, dis-moi si Ménélaos revient avec vous, sain et sauf de la guerre, lui, ce roi cher aux Argiens.

TALTHYBIOS.

Je ne vous donnerai point de nouvelles heureuses, mais fausses; amis, vous n'en jouiriez pas longtemps.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Puisses-tu nous donner des nouvelles heureuses, mais vraies! les faussetés se découvrent aisément.

TALTHYBIOS.

Ce héros a disparu de l'armée Akhaienne; lui et sa nef ont disparu. Je ne dis point de mensonges.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

S'est-il séparé de vous ouvertement en partant d'Ilios, ou bien une tempête, dont tous ont souffert, l'a-t-elle entraîné loin de l'armée?

TALTHYBIOS.

Tu as touché le but, comme un habile archer. Tu as raconté brièvement une grande calamité.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Que dit-on de lui parmi les autres marins? Qu'il est vivant ou qu'il est mort?

TALTHYBIOS.

Nul ne le sait, nul ne peut en donner de nouvelles certaines, si ce n'est Hèlios d'où vient la force génératrice de la terre.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Dis-nous comment est venue et comment a cessé cette tempête excitée contre les nefs par la colère des daimones.

TALTHYBIOS.

Il ne convient pas de profaner un jour heureux par des récits de malheurs; mais c'est le prix des dieux. Quand un messager annonce, avec un visage morne, la terrible défaite d'une armée détruite, la blessure de tout un peuple, d'innombrables citoyens chassés de mille demeures par le double fouet que brandit Arès, par la double lance sanglante, certes, celui qui annonce de tels maux peut chanter le paian des Érinnyes; mais moi qui viens, joyeux messager de victoire, vers un peuple plein de joie, comment mêlerai-je le bien au mal, en racontant cette tempête que la colère des dieux a précipitée sur les Argiens? Le feu et la mer, qui se haïssaient auparavant, se sont conjurés, et ont prouvé leur alliance en détruisant la malheureuse armée des Argiens. Les fureurs de la mer soulevée se déchaînèrent dans la nuit. Les vents Thrèkiens brisèrent les nefs entre elles; et d'autres, heurtant violemment leurs éperons, au milieu des tourbillons et des torrents de pluie, disparurent et périrent, entraînées dans le gouffre par un terrible pilote. Au retour de l'éclatante lumière de Hèlios, nous vîmes la mer Aigaienne toute fleurie de cadavres des héros Akhaiens et de débris de nefs. Un dieu, non un homme, tenant la barre, laissa notre seule nef sauve et l'arracha au naufrage, ou intercéda pour notre salut. La fortune protectrice vint s'asseoir, favorable, dans notre nef qui n'a été ni engloutie dans le tourbillon des flots, ni brisée contre les rivages rocheux. Enfin, ayant échappé à la mort dans la mer, rendus à la clarté du jour et croyant à peine à notre salut, nous songions avec douleur au récent désastre de l'armée dispersée ou engloutie. Et maintenant, si quelques-uns d'entre eux sont encore vivants, ils pensent à nous comme à des morts. Pourquoi non? nous pensons bien qu'ils ont subi eux-mêmes cette destinée. Mais que tout soit arrivé pour le mieux! Alors, tu peux espérer que Ménélaos, certes, reparaîtra le premier. Donc, si quelque rayon de Hèlios l'éclaire encore, vivant et les yeux ouverts, par la volonté de Zeus qui n'a pas voulu anéantir cette race, il y a quelque espérance qu'il revienne dans sa demeure. Sache que ce que tu as entendu de moi est la vérité.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Strophe I.

Qui l'a ainsi nommée avec tant de vérité, sinon quelqu'un que nous ne voyons pas, et qui, prévoyant la destinée, mène notre langue jusque dans les choses fortuites? Qui l'a nommée, cette Hèléna, l'épouse cause de la guerre et qu'on recherche avec la lance? Certes, perdition des nefs, des guerriers et des villes, elle s'est enfuie, au souffle du grand Zéphyros, loin des molles et riches tentures de la chambre nuptiale; et d'innombrables guerriers porteurs de boucliers, comme des chasseurs sur sa piste, ont poursuivi la nef qui s'effaçait devant eux jusqu'aux rives ombragées du Simoïs, là où ils devaient engager la querelle sanglante.

Antistrophe I.

Cette union a été lamentable pour Ilios. La vengeance a été accomplie, infligeant aux coupables le châtiment de la table hospitalière souillée et de Zeus hospitalier outragé, et punissant les Priamides d'avoir chanté l'hymne hyménaien pour honorer les nouveaux époux. Certes, l'antique ville de Priamos a chanté depuis un hymne plus lamentable, gémissant sur Pâris, le funeste époux, car, dès lors, elle a sans cesse gémi à cause du carnage misérable de ses citoyens.

Strophe II.

Un homme a élevé un lion funeste, arraché à la mamelle qu'il aimait. Dans les premiers temps de sa vie, il est doux, très cher aux enfants et agréable aux vieillards. Souvent il est tenu dans les bras à la façon d'un nouveau-né, il joue avec la main qui le caresse, et il flatte, ayant faim.

Antistrophe II.

Avec le temps, devenu grand, il manifeste le naturel de sa race. En retour de la nourriture qu'on lui a donnée, il se prépare un repas non commandé, en égorgeant les brebis. Toute la demeure est souillée de sang. La douleur des serviteurs est impuissante contre ce fléau terrible et meurtrier. C'est quelque sacrificateur d'Atè qui a été nourri dans la maison.

Strophe III.

Telle, Hèléna est venue dans Ilios, calme comme la mer tranquille, ornement de la richesse, trait charmant des yeux, fleur du désir troublant le cœur. Mais elle changea, ayant accompli les noces fatales, hôte terrible et funeste envoyé aux Priamides par Zeus hospitalier, Érinnys exécrable aux épouses.

Antistrophe III.

C'est une parole antique depuis longtemps connue parmi les hommes, qu'une félicité parfaite ne meurt pas stérile, et qu'une irréparable misère naît d'une heureuse fortune. J'ai cette pensée bien différente, qu'une action impie engendre toute une génération semblable, tandis que la justice n'engendre, dans les demeures, qu'une race aussi belle qu'elle-même.

Strophe IV.

Certes, tôt ou tard, une iniquité ancienne engendre, quand le moment est venu, une iniquité nouvelle, chez les hommes pervers: haine de la lumière, daimôn invincible, indomptable, impiété, audace, noires discordes dans les demeures, race toute semblable à ses parents!