Antistrophe I.

Ils n'ont point jugé en faveur des hommes et méprisé le droit des femmes; mais ils ont regardé le divin vengeur, la sentinelle qu'on ne peut tromper, celui que nulle demeure n'a vu debout sur son toit sans qu'il ne s'écroulât! car il se pose lourdement. Ils ont respecté leurs parentes, suppliantes de l'illustre Zeus; c'est pourquoi sur les autel purs ils apaiseront les dieux.

Strophe II.

A l'ombre de ces rameaux suppliants mon vœu s'envolera pour leur récompense. Que jamais la contagion ne dépeuple la ville de ses citoyens, que jamais la sédition n'ensanglante la terre de meurtres domestiques, que la fleur de la jeunesse ne soit point cueillie, que l'amant d'Aphrodita, le fléau des mortels, Arès, ne tranche pas cette fleur!

Antistrophe II.

Que les autels brûlent, entourés de sacrificateurs vénérables, afin que la chose publique prospère! Qu'ils honorent le grand Zeus, le très grand dieu hospitalier, qui, par la loi antique, a établi les destinées! Prions pour que toujours, ici, les générations se multiplient et pour qu'Artémis Hékata protège l'accouchement des femmes.

Strophe III.

Que jamais le carnage ne se rue ici, tuant les guerriers, saccageant la ville, ennemi des chœurs et de la kithare, et n'y déchaîne tout armé le lamentable Arès au milieu des clameurs publiques! Que l'horrible essaim des maladies s'abatte loin de la vigueur des guerriers, et que le Lykien Apollôn soit toujours favorable à toute cette jeunesse!

Antistrophe III.

Que Zeus, en toute saison, entr'ouvre la terre pour une abondante fécondité! Que les troupeaux paissants enfantent partout d'innombrables petits, et que chacun soit comblé de biens par les dieux! Que les Muses, les divines chanteuses, accordent leurs voix, et que le son de la Lyre s'unisse harmonieusement au son de leurs bouches sacrées!

Strophe IV.

Que le peuple qui commande dans la ville, gardien de l'intérêt commun, observe équitablement les droits de la cité! Qu'il se montre conciliant avec les étrangers avant d'armer Arès, et qu'ils lui rendent justice avant d'y être contraints!

Antistrophe IV.

Que les Argiens honorent toujours les dieux de ce pays par des offrandes de lauriers et par des hécatombes, selon la coutume de leurs pères! Le respect des parents est, en effet, le troisième parmi les préceptes de la très vénérable Thémis!

DANAOS.

Je loue ces sages vœux, chères filles; mais ne vous épouvantez pas d'entendre votre père vous annoncer des nouvelles inattendues. De cette hauteur qui vous a reçues suppliantes je vois une nef. Elle est bien reconnaissable; je ne me trompe pas. Voici les manœuvres et les voiles. La proue est tournée de ce côté, n'obéissant que trop au gouvernail qui, de la poupe, la dirige, car cette nef ne nous est point amie. Les marins sont déjà visibles avec leurs membres noirs sous leurs vêtements blancs. Voici qu'on aperçoit nettement tout le reste de la flotte; mais la nef qui marche en tête des autres a replié ses voiles et s'avance à force d'avirons. Il vous faut être calmes et prudentes et ne pas oublier de prier les dieux dans ce danger. Pour moi, je reviendrai bientôt avec les protecteurs qui nous prêtent leur aide.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Peut-être un héraut ou un chef viendra nous réclamer et voudra nous emmener en servitude.

DANAOS.

Ils n'en feront rien; n'ayez aucune crainte d'eux.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Cependant, si nous tardons à être secourues, le mieux est de nous en remettre à l'aide de ces dieux.

DANAOS.

Ayez bon courage. Au temps, au jour marqué, le mortel qui a offensé les dieux en reçoit le châtiment.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Strophe I.

Père! je tremble que ces nefs qui volent rapidement n'arrivent en peu d'instants. La terreur me saisit. Me faudra-t-il recommencer à fuir épouvantée? Père, je meurs de crainte.

DANAOS.

Puisque le décret des Argiens a été ratifié par leurs suffrages, ayez une ferme espérance; ils combattront pour vous, mes filles, j'en suis certain.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Antistrophe I.

La race d'Aigyptos est funeste, farouche et insatiable de combat. Mais je le dis à qui le sait. Poussés par leur fureur, ils ont navigué sur leurs nefs solides et sombre, avec cette noire et grande armée.

DANAOS.

Mais ils rencontreront ici de nombreux bras exercés à la pleine chaleur du jour.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Strophe II.

Ne me laisse pas seule ici, je t'en supplie, père! une femme seule est sans force; Arès lui manque. Ceux-ci, rusé et impurs tels que des corbeaux, ne respectent point la sainteté des autels.

DANAOS,

Ceci nous servira, enfants, si les dieux les détestent autant que vous les haïssez.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Antistrophe II.

Ni les tridents, ni ces sanctuaires divins révérés par nous n'arrêteront leur main. Ils sont trop féroces, trop gonflés d'impiété et de violence. Impudents comme des chiens, ils n'écouteront point les dieux.

DANAOS.

Mais on dit que les loups sont plus forts que les chiens, et que le fruit du papyros n'en vaut pas l'épi.

LE CHŒUR DES DANAÏDES.

Semblables à des bêtes fauves, impies et farouches, ils ont l'âme furieuse, et il faut redouter leur violence.

DANAOS.

La navigation d'une armée navale n'est pas aussi prompte. Il faut trouver un mouillage où l'on puisse fixer les câbles qui attachent les nefs à la terre. Les pilotes ne jettent pas sitôt les ancres, surtout quand ils abordent une côte sans port. A l'heure où Hèlios tombe vers l'ombre, la nuit a coutume d'inspirer des inquiétudes à un sage pilote. Ainsi cette armée ne débarquera pas en sûreté avant d'avoir trouvé pour ces nefs un mouillage auquel on puisse se fier. Pour toi, prends garde, saisie de terreur, de négliger les dieux, et implore leur secours. La ville ne se plaindra pas de votre messager, car, bien que je sois vieux, la parole ni la prudence ne me manquent.