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Juve,à l’instant où j’enlevais Hélène,Vladimir disparaissait mystérieusement. Je ne puis savoir cequ’il est devenu. Votre habileté échoue pourretrouver ma fille, ma puissance ne me permet pas de retrouver monfils. Juve, vous avez immédiatement deviné que j’étaisle ravisseur d’Hélène, et je viens de vous direoù elle se trouve. Juve, soyez honnête, dites-moi sic’est vous qui avez arrêté Vladimir, dites-moi sivous avez l’intention de le livrer ?

Juve,les renseignements que je vous donne sont sincères, j’auraiconfiance en vous. Si comme je le crois, vous savez où estVladimir, vous laisserez ce soir votre fenêtre ouverte, etj’irai librement me présenter devant vous pour apprendrevos intentions.

EtJuve ajoutait, ayant terminé cette étrange lecture :

— Ettout cela, Fandor, tout cela est signé : Fantômas…

Deuxheures plus tard, Juve et Fandor se tenaient encore dans leur chambred’hôtel, discutant avec ardeur au sujet del’extraordinaire lettre qu’ils venaient de recevoir deFantômas.

Assurément,les circonstances étaient extraordinaires, qui avaient amenéle bandit à se livrer ainsi à Juve !

Assurément,si Fantômas avait été contraint de dire oùétait Hélène pour apprendre où étaitVladimir, c’est que de graves nécessitésl’obligeaient impérieusement à savoir ce qu’étaitdevenu son fils.

Juveet Fandor, d’un commun accord, avaient donc décidéde fermer leur fenêtre, signal convenu qui devait apprendre àFantômas qu’ils ignoraient complètement lesdernières aventures de celui qui s’était faitpasser pour le comte d’Oberkhampf.

Aussibien, à l’instant où Fandor avait clos lafenêtre, il n’avait pu s’empêcher desoupirer :

— BonDieu, avait déclaré Fandor, quel dommage que nous nesoyons pas des crapules ! Car, en somme, si nous laissions cettefenêtre ouverte, nous serions à peu près sûrsque Fantômas viendrait ici et que nous pourrions l’arrêter.Toutefois, ce serait une canaillerie. Donnant, donnant, commeFantômas dit lui-même. Il nous a appris où étaitHélène, en échange de certaines conventions,nous devons respecter ces conventions.

C’étaitnaturellement l’opinion de Juve, et c’est pourquoi lejournaliste, sans hésiter, avait fermé la fenêtre,avertissant ainsi Fantômas qu’il n’avait pas besoind’apparaître.

Qu’importaientd’ailleurs à Fandor, en cette minute, les aventures deVladimir, les aventures de Fantômas lui-même ?…

Fandor,pour être franc, confessait lui-même à Juve quetout lui était désormais bien indifférent,puisqu’il était ainsi certain qu’Hélèneétait sauvée, qu’elle était hors dedanger.

Et,joyeux, rasséréné, Fandor étourdissaitJuve de projets.

— Vouscomprenez, mon bon ami, disait-il, que maintenant tout me sembleclair. Hélène est sur un voilier qui s’en va auChili, ce voilier mettra deux mois à arriver àdestination. Ma foi, je m’en moque bien. Un bon transatlantiqueme mènera, j’en suis certain, en quinze jours, troissemaines au débarcadère. Donc, Juve, dans un mois etdemi au plus tard, je m’embarquerai, et je vous jure bienqu’alors quand j’aurai rattrapé Hélène,Fantômas ne nous la volera pas à nouveau, et cela pourla bonne raison que je ne la quitterai plus une minute…

Fandorse frottait les mains, dansait, jonglait avec une brosse àdents et des pincettes, cependant que Juve, un peu plus calme, maistout aussi joyeux néanmoins, applaudissait à cesprojets.

— Bon,très bien, disait le policier, c’est entendu, Fandor. Tuiras rattraper Hélène à son débarquementau Chili ; je n’y vois, pour ma part, aucun inconvénient.Seulement, si tu veux un conseil, en voici un et un bon…

— Lequel,Juve ?

Juvevenait de s’asseoir dans un grand fauteuil, il eut pourrépondre un sourire énigmatique :

— Voici,déclarait-il : Mon petit Fandor, dans deux mois turetrouveras Hélène et tu la ramèneras en France.Votre mariage n’est pas du goût de Fantômas ;donc, dans deux mois, tu auras encore très probablement àlutter contre cet éternel ennemi…

Àce moment, Fandor donnait amicalement un coup de pincettes sur lesgenoux de Juve.

— Monbon, vous radotez, faisait-il. J’ai, avant de partir, un moiset demi de disponible. Ce mois et demi, j’ai bien l’intentionde le consacrer à la capture de Fantômas. Fantômasdoit être arrêté avant qu’Hélènedébarque, donc…

— Donc,conclut Juve, je rengaine mon conseil, car j’allais précisémentte proposer, maintenant que nous sommes tranquilles sur le sortd’Hélène, de reprendre d’urgence, et celadans ton propre intérêt, la lutte contre Fantômas.

Lesdeux amis causaient encore longuement. Ils étaient, comme ledisait Juve, désormais libres entièrement de combattreencore Fantômas.

EtJuve, qui toujours se trouvait prêt à diriger leterrible combat, expliquait la situation à Fandor qui,d’ailleurs, demeurait quelque peu distrait :

— Monpetit, assurait Juve, l’essentiel, pour vaincre Fantômas,c’est évidemment de le retrouver. Pour faire un civet,il faut un lièvre. Donc, nous allons courir aprèsFantômas. Par malheur, Fantômas n’est point commodeà découvrir. Ou le chercher ? Rien ne le retientplus très certainement en Hollande, mais rien d’autrepart ne nous permet de croire qu’il va rentrer en France, àParis plutôt que n’importe où. Nous n’avonsen somme, Fandor, qu’un seul fil conducteur. Fantômasrecherche Vladimir, pourquoi ? comment ? dans quellesconditions ? c’est ce qu’il faut savoir. Si Vladimira disparu et si Fantômas veut le retrouver, c’estqu’évidemment quelque chose se manigance dans l’ombre,que nous ignorons totalement. Cherchons-le…

Juveinterrogeait :

— N’est-cepas ton avis, Fandor ?

MaisFandor, à cet instant, ripostait avec une grandetranquillité :

— Avez-vousremarqué, Juve, comme Hélène était jolielorsqu’elle portait le diadème royal à la cour ?

Celaprouvait évidemment que Fandor n’écoutait pastrès attentivement Juve. Le policier le comprit ; il eutun sourire indulgent.

— Amoureux,va ! fit-il sur un ton de raillerie. Ce soir, tu n’es bonà rien, tu ne penses qu’à Hélène.Soit, nous causerons demain.

— Nouscauserons demain, dit Fandor.

Lejournaliste avait été chercher une photographied’Hélène qu’il regardait avec des yeuxextasiés. Juve, encore une fois, l’arracha à sasongerie.

— Uninstant, demandait-il. As-tu rencontré à nouveau,Fandor, cet après-midi, l’étrange jeune homme quej’ai vaguement aperçu, que l’on m’a signalé,qui s’appelle Daniel, et qui, paraît-il, à desallures de policier ?

— Non,dit Fandor. Je n’ai vu personne répondant à cesignalement plutôt imprécis d’ailleurs. Pourquoi,Juve ?…

— Pourrien, répondit le policier, pour rien du tout. Cela n’apas d’importance. Le personnage m’intriguait un peu,voilà tout…

Juve,peut-être, eût trouvé ce personnage beaucoup plusimportant et lui eût accordé un tout autre intérêts’il avait pu se douter que Fantômas, l’homme brun,l’avait, lui aussi, remarqué, ce jour-là même,dans une tabagie hollandaise, s’il avait pu savoir ce queFantômas faisait à cette heure même !

ChapitreIV

Nuit d’angoisse

Cettemême nuit que Juve et Fandor employaient à causerlonguement, à échafauder des hypothèses et desprojets, relativement à la capture de Fantômas, qui, deplus en plus, de minute en minute, leur semblait nécessaire,des événements mystérieux, tragiques aussi, sedéroulaient en effet à quelque distance d’Amsterdam,tout près d’Haarlem, dans la superbe propriétédu malheureux M. Eair, ou plus exactement du père deFandor, d’Étienne Rambert, puisque telle était enréalité l’identité de cet extraordinairepersonnage.

Geoffroyla Barrique et Benoît le Farinier étaient toujoursoccupés à la cueillette des roses chez l’extraordinaireoriginal.