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– Votre mari peut-être?

– Non, une amie.

– Ne serait-ce pas cette jeune femme que deux enfants ont repêchée hier soir dans la Seine?

– Parfaitement, monsieur.

– Et elle est si mal que ça?

– Elle ne va pas du tout… Aussi M. le docteur Pelet va téléphoner à Paris pour qu’on envoie une voiture d’ambulance afin de la transporter à l’hôpital Beaujon.

– Pauvre femme!… plaignait le passant. Encore une malheureuse que le chagrin ou la misère auront poussée à se tuer.

– Oh! monsieur, je suis sûre que non!…

– Alors… que s’est-il passé?

Marianne eut un geste évasif.

– Vous croyez plutôt à un accident? interrogea l’inconnu.

– Je ne sais pas, monsieur… Mme Bertin n’a pour ainsi dire pas repris connaissance.

– Espérons que, ça va s’arranger… Allons, au revoir, madame.

– Au revoir, monsieur.

Tandis que Marianne rentrait chez elle, son interlocuteur se dirigeait vers le bureau de poste où, se croisant avec le docteur Pelet qui en sortait, il grommela entre ses dents:

– Oh! oh! si nous voulons arriver bons premiers, il n’y a pas une minute à perdre.

Vers dix heures, la voiture d’ambulance demandée par le docteur Pelet stoppait dans la cour des Bontemps.

Un infirmier en descendit aussitôt.

Après avoir conféré avec les Bontemps il s’en fut, aidé du wattman chercher Jacqueline, qui, pâle, immobile, les yeux clos avait entièrement perdu notion de ce qui se passait autour d’elle.

Avec beaucoup de précautions, les deux hommes l’emportèrent sur un brancard jusqu’à la voiture où, à l’intérieur, les attendait une infirmière.

Bontemps, Marianne, le môme Réglisse et le petit Jean formaient, derrière la civière, un bref et triste cortège.

On avait dit à Jeannot que sa maman dormait… et qu’on l’emmenait chez elle, afin qu’elle reposât plus tranquille.

Mais l’enfant subissait malgré tout l’impression de toute cette navrance.

Il marchait, sa petite tête penchée en avant, ne quittant pas des yeux, la malade; et lorsque les infirmiers posèrent la civière à terre, avant de la glisser à l’intérieur de l’ambulance, Jeannot se précipita vers sa maman… et mit sur son front tout blanc un très long et très doux baiser.

Lorsque le cortège, quelques minutes après, s’éloigna, le pauvre petit, n’y tenant plus, éclata en larmes.

– T’en fais pas… mon gosse…, consolait le môme Réglisse en prenant son petit ami dans ses bras… Tu la reverras, ta maman!

Mais Jeannot eut cette parole qui trouva un écho douloureux dans le cœur de Bontemps et de Marianne:

– Ils l’emportent comme ils ont emporté bon papa… Et bon papa… il n’est jamais revenu!

Le môme Réglisse, qui s’était emparé de son petit ami, l’entraînait en disant:

– Allons, viens… on va jouer avec les beaux soldats que t’a donnés Mme Chapuis.

– Je ne veux pas jouer, refusait Jeannot, je veux pleurer.

– Alors quoi! t’es pas un homme, t’es une petite fille.

– Non, je suis un grand garçon.

– Eh bien, un grand garçon, ça ne chiale jamais.

Mais, désignant Bontemps qui venait d’essuyer furtivement une larme, Jeannot s’écria:

– Regarde papa Julien, il pleure, lui aussi. C’est pourtant pas une petite fille.

– Qu’t’es bête, mon gosse! soulignait le môme Réglisse… Allons, viens! Si tu ne veux pas jouer aux soldats, on va aller chercher de l’herbe pour les lapins… et puis, des carottes pour le bourricot.

Et, passant son bras sous la taille de son ami, le môme Réglisse l’entraînait déjà vers le hangar… lorsque Jeannot eut une exclamation:

– Oh! Monsieur Vallières!

La silhouette austère et sympathique de l’ancien secrétaire venait, en effet, de se profiler sur le seuil du portail.

Tout de suite Bontemps et Marianne s’empressèrent vers lui… Vallières, après avoir embrassé Jeannot, leur tendit la main avec bienveillance.

– J’ai lu ce matin dans le journal, fit-il que Mme Bertin avait été victime hier d’un grave accident.

– Ce n’est que trop vrai… hélas!…, répondit Bontemps.

– Je viens de croiser à l’instant une voiture d’ambulance…

– C’était madame qu’on emmenait.

– C’est donc si grave?

– Jeannot, invitait Marianne, allez jouer avec votre camarade, allez…

Les deux petits s’éloignèrent… et Marianne fit à M. Vallières visiblement ému le récit de ce qu’elle savait… concluant ainsi, nettement approuvée par son père:

– Pour moi, madame a sûrement dû avoir affaire à des malandrins, à des sales rôdeurs… à des assassins, quoi!

– Cette nuit, appuyait Bontemps, quand elle avait le délire, elle disait qu’elle était poursuivie par des hommes… Elle parlait aussi de Mlle Verdier, l’ancienne institutrice du petit Jean… Elle mélangeait tout ça… On n’y comprenait pas grand-chose… Enfin, l’essentiel est qu’elle en revienne.

– Le docteur a de l’espoir…, soulignait Marianne. Mais vrai, depuis quelque temps, elle n’a guère de chance…

La brave fille venait à peine de prononcer cette phrase qu’une seconde voiture d’ambulance, quelque peu différente de la première, mais portant comme elle un large pavillon blanc marqué d’une croix rouge, pénétrait dans la cour… Un infirmier qui se trouvait à côté du wattman sauta à bas du siège, demandant:

– C’est bien ici, M. Bontemps?

– Oui, monsieur, fit le papa Julien en s’avançant.

– Nous venons de l’hôpital Beaujon pour chercher une dame Bertin.

– Ce n’est pas possible! s’exclama Bontemps… Mme Bertin vient de partir… il y a un quart d’heure dans une autre ambulance, qui, elle aussi, venait de Beaujon.

– Voyons, monsieur, ce n’est pas possible!

– Je vous assure que c’est l’exacte vérité.

– Ah! par exemple, c’est trop fort…, s’étonnait l’infirmier auquel s’était jointe une jeune et gracieuse infirmière qui, toute surprise, elle aussi, exprimait:

– Le directeur ne peut cependant pas avoir désigné deux voitures à la fois.