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Les quatre fouines, désormais rassurées, se dirigèrent alors vers le poulailler qui était tout près de la niche du chien et, attaquant la porte à coups de griffes et de dents, se faufilèrent l’une après l’autre à l’intérieur. Mais à peine étaient-elles entrées qu’elles entendirent se refermer violemment la porte.

C’était Pinocchio qui venait de les enfermer. Et, non content d’avoir repousser la porte du poulailler, il la bloqua avec une grosse pierre.

Puis il se mit à aboyer, exactement comme l’aurait fait un vrai chien de garde.

Les aboiements réveillèrent le paysan qui sauta du lit, prit son fusil et se pencha à la fenêtre:

– Qu’est-ce qui se passe? – cria-t-il.

– Les voleurs de poules sont là – répondit Pinocchio.

– Là? Où?

– Dans le poulailler.

– J’arrive tout de suite.

Effectivement, le fermier fut dans la cour en un rien de temps. Il entra dans le poulailler, attrapa les fouines qu’il fourra dans un sac et leur dit:

– Enfin, je vous ai attrapées! Je pourrais vous punir moi-même, mais je ne suis pas aussi mauvais. Je me contenterai de vous donner demain à l’aubergiste du village voisin. Après vous avoir dépecer, il vous cuisinera comme du gibier. C’est un honneur que vous ne méritez pas mais les hommes généreux comme moi ne s’arrêtent pas à ce genre de détail.

Puis, s’approchant de Pinocchio, le paysan lui prodigua moult signes de tendresse et lui demanda:

– Comment as-tu fait pour déjouer les manigances de ces quatre laronnes? Quand je pense que mon fidèle Mélampo, lui, ne s’est jamais aperçu de rien!

Pinocchio aurait pu alors raconter ce qu’il savait sur le honteux pacte qui liait son chien aux fouines. Il n’en fit rien. Se rappelant que Mélampo était mort, il se dit: «Pourquoi accuser les morts? Les morts sont morts et la meilleure chose à faire est de les laisser reposer en paix!

– Quand les fouines sont arrivées, tu étais réveillé ou tu dormais? – lui demanda encore le fermier.

– Je dormais mais les fouines m’ont réveillé avec leurs bavardages. L’une d’elles est même venue me dire que si je promettais de ne pas aboyer pour ne pas vous réveiller, j’aurais droit à un beau poulet tout préparé. Vous vous rendez compte? Avoir le culot de me faire, à moi, une telle proposition! Je suis une marionnette certes pleine de défauts, mais jamais je n’accepterais d’être la complice de malhonnêtes gens!

– Bravo, mon gars! – s’exclama le paysan en donnant à Pinocchio une tape amicale sur l’épaule.- De tels sentiments te font honneur. Pour te prouver ma satisfaction, je te rends ta liberté. Tu peux rentrer chez toi.

Et il lui ôta le collier pour chien.

Chapitre 23

Pinocchio pleure la mort de la jolie fillette aux cheveux bleu-nuit puis il rencontre un pigeon qui l’emmène au bord de la mer. Là, il se jette à l’eau pour sauver son papa Geppetto.

Dés qu’il fut débarrassé de l’humiliant et inconfortable collier qui lui serrait le cou, Pinocchio reprit sa course à travers les champs jusqu’à ce qu’il eut rejoint la route qui conduisait chez la Fée.

Arrivé sur la route, il se retourna pour regarder la plaine qui s’étendait au-dessous de lui. Il distingua fort bien le bois où il avait eu le malheur de croiser le renard et le chat et même, dominant les autres arbres, la cime du Grand Chêne où il fut pendu. Mais il eut beau scruter le paysage dans tous les sens, il ne parvenait pas à trouver la maisonnette de la fillette aux cheveux bleu-nuit.

Il eut alors un horrible pressentiment et fit appel à toutes les forces qui lui restaient pour atteindre en quelques minutes la clairière où aurait dû se trouver la petite maison blanche. Mais il n’y avait plus de maison. Il n’y avait qu’un modeste bloc de marbre sur lequel étaient gravés en caractères d’imprimerie ces tristes mots:

CI-GÎT

LA FILLETTE AUX CHEVEUX BLEUS

MORTE DE CHAGRIN

APRES AVOIR ETE ABANDONNEE

PAR SON PETIT FRERE PINOCCHIO

Ce que ressentit Pinocchio quand il eut déchiffré tant bien que mal cette inscription, je vous laisse l’imaginer. Il se jeta à terre et couvrit de baisers la pierre tombale tout en éclatant en sanglots. Il pleura la nuit entière. Au lever du jour, il pleurait encore. Il pleura tant et tant que ses yeux n’avaient plus de larmes. Alentour, les collines avoisinantes renvoyaient l’écho de ses cris stridents et de ses lamentations déchirantes:

– O ma petite Fée, pourquoi es-tu morte? Pourquoi toi et pas moi, moi qui suis si méchant alors que toi, tu étais si bonne? Et mon papa, qu’est-il devenu? O ma petite Fée, dis-moi où je pourrais le trouver car je veux rester avec lui pour toujours, ne plus jamais le quitter, jamais, jamais! O petite Fée, dis-moi que ce n’est pas vrai, que tu n’es pas morte! Si vraiment tu m’aimes, si tu aimes ton petit frère, alors renais, sois vivante, comme avant! Cela ne te fait rien de me voir abandonné de tous? Si les bandits revenaient et me pendaient encore à la branche d’un arbre, cette fois je mourrais pour de bon. Que veux-tu que je fasse tout seul dans ce vaste monde? Maintenant que j’ai perdu mon papa, qui va me donner à manger? Et la nuit, où pourrai-je dormir? Qui va me tailler de nouveaux vêtements? Oh ce serait mieux, cent fois mieux que je meure moi aussi! Oh oui, je veux mourir! Hi! Hi! Hi!

Au comble du désespoir, il fit le geste de s’arracher les cheveux. Mais ses cheveux étant en bois, il ne pouvait même pas y passer la main.

A ce moment-là passa très haut dans le ciel un gros pigeon qui, s’arrêtant un instant de battre des ailes, lui cria:

– Dis-moi, gamin, qu’est-ce que tu fais couché par terre?

– Tu ne le vois donc pas? Je pleure! – lui répondit Pinocchio en levant la tête et en se frottant les yeux avec la manche de sa veste.

– Dis-moi, – lui demanda encore le Pigeon – tu ne connaîtrais pas, par hasard, parmi tes amis, une marionnette ayant pour nom Pinocchio?

La marionnette bondit sur ses pieds:

– Pinocchio? Tu as dit Pinocchio? Mais Pinocchio, c’est moi!

Le Pigeon descendit alors rapidement et vint se poser près lui. Il était plus gros qu’un dindon.

– Ainsi tu connaîtrais Geppetto? – questionna le Pigeon.

– Si je le connais? Mais c’est mon papa! Il t’a parlé de moi? Tu me conduis vers lui? Il est toujours vivant? Par pitié, réponds-moi! Est-ce qu’il est toujours vivant?

– Il y a trois jours, il était sur une plage, au bord de la mer.

– Qu’est-ce qu’il faisait?