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– Lequel?

– C'est d'accepter franchement la position.

– De quelle manière?

– Je donne le mot aux colonels, à mes gardes, je fais armer mes milices, je retire l'armée de devant la Charité, et je marche sur l'Anjou.

– Et M. de Guise?

– Eh! M. de Guise! M. de Guise! je le fais arrêter, s'il est besoin.

– Ah! oui, avec cela que les mesures de rigueur vous réussissent.

– Que faire alors?

Catherine inclina sa tête sur sa poitrine, et réfléchit un instant.

– Tout ce que vous projetez est impossible, mon fils, dit-elle.

– Ah! s'écria Henri avec un dépit profond, je suis donc bien mal inspiré aujourd'hui!

– Non, mais vous êtes troublé; remettez-vous d'abord, et ensuite nous verrons.

– Alors, ma mère, ayez des idées pour moi; faisons quelque chose, remuons-nous.

– Vous le voyez, mon fils, je donnais des ordres.

– Pour quoi faire?

– Pour le départ d'un ambassadeur.

– Et à qui le députerons-nous?

– À votre frère.

– Un ambassadeur à ce traître! Vous m'humiliez, ma mère.

– Ce n'est pas le moment d'être fier, fit sévèrement Catherine.

– Un ambassadeur qui demandera la paix?

– Qui l'achètera, s'il le faut.

– Pour quels avantages, mon Dieu?

– Eh! mon fils, dit la Florentine, quand cela ne serait que pour pouvoir faire prendre en toute sécurité, après la paix faite, ceux qui se sont sauvés pour vous faire la guerre. Ne disiez-vous pas tout à l'heure que vous voudriez les tenir.

– Oh! je donnerais quatre provinces de mon royaume pour cela; une par homme.

– Eh bien! qui veut la fin veut les moyens, reprit Catherine d'une voix pénétrante qui alla remuer jusqu'au fond du cœur de Henri la haine et la vengeance.

– Je crois que vous avez raison, ma mère, dit-il; mais qui leur enverrons-nous?

– Cherchez parmi tous vos amis.

– Ma mère, j'ai beau chercher, je ne vois pas un homme à qui je puisse confier une pareille mission.

– Confiez-la à une femme alors.

– À une femme, ma mère? est-ce que vous consentiriez?

– Mon fils, je suis bien vieille, bien lasse, la mort m'attend peut-être à mon retour; mais je veux faire ce voyage si rapidement, que j'arriverai à Angers avant que les amis de votre frère lui-même n'aient eu le temps de comprendre toute leur puissance.

– Oh! ma mère! ma bonne mère! s'écria Henri avec effusion en baisant les mains de Catherine, vous êtes toujours mon soutien, ma bienfaitrice, ma Providence!

– C'est-à-dire que je suis toujours reine de France, murmura Catherine en attachant sur son fils un regard dans lequel entrait pour le moins autant de pitié que de tendresse.

IV Où il est prouvé que la reconnaissance était une des vertus de M. de Saint-Luc.

Le lendemain du jour où M. de Monsoreau avait fait, à la table de M. le duc d'Anjou, cette piteuse mine qui lui avait valu la permission de s'aller coucher avant la fin du repas, le gentilhomme se leva de grand matin, et descendit dans la cour du palais.

Il s'agissait de retrouver le palefrenier à qui il avait déjà eu affaire, et, s'il était possible, de tirer de lui quelques renseignements sur les habitudes de Roland.

Le comte réussit à son gré. Il entra sous un vaste hangar, où quarante chevaux magnifiques grugeaient, à faire plaisir, la paille et l'avoine des Angevins.

Le premier coup d'œil du comte fut pour chercher Roland; Roland était à sa place, et faisait merveille parmi les plus beaux mangeurs.

Le second fut pour chercher le palefrenier.

Il le reconnut debout, les bras croisés, regardant, selon l'habitude de tout bon palefrenier, de quelle façon, plus ou moins avide, les chevaux de son maître mangeaient leur provende habituelle.

– Eh! l'ami, dit le comte, est-ce donc l'habitude des chevaux de monseigneur de revenir à l'écurie tout seuls, et les dresse-t-on à ce manège-là?

– Non, monsieur le comte, répondit le palefrenier. À quel propos Votre Seigneurie me demande-t-elle cela?

– À propos de Roland.

– Ah! oui, qui est venu seul hier; oh! cela ne m'étonne pas de la part de Roland, c'est un cheval très intelligent.

– Oui, dit Monsoreau, je m'en suis aperçu; la chose lui était-elle donc déjà arrivée?

– Non, monsieur; d'ordinaire il est monté par monseigneur le duc d'Anjou, qui est excellent cavalier, et qu'on ne jette point facilement à terre.

– Roland ne m'a point jeté à terre, mon ami, dit le comte, piqué qu'un homme, cet homme fût-il un palefrenier, pût croire que lui, le grand veneur de France, avait vidé les arçons; car, sans être de la force de M. le duc d'Anjou, je suis assez bon écuyer. Non, je l'avais attaché au pied d'un arbre pour entrer dans une maison. À mon retour, il était disparu; j'ai cru, ou qu'on l'avait volé, ou que quelque seigneur, passant par les chemins, m'avait fait la méchante plaisanterie de le ramener, voilà pourquoi je vous demandais qui l'avait fait rentrer à l'écurie.

– Il est rentré seul, comme le majordome a eu l'honneur de le dire hier à monsieur le comte.

– C'est étrange, dit Monsoreau.

Il resta un moment pensif, puis, changeant de conversation:

– Monseigneur monte souvent ce cheval, dis-tu?

– Il le montait presque tous les jours, avant que ses équipages ne fussent arrivés.

– Son Altesse est rentrée tard hier?

– Une heure avant vous, à peu près, monsieur le comte.

– Et quel cheval montait le duc? n'était-ce pas un cheval bai-brun, avec les quatre pieds blancs et une étoile au front?

– Non, monsieur, dit le palefrenier; hier Son Altesse montait Isohn, que voici.

– Et, dans l'escorte du prince, il n'y avait pas un gentilhomme montant un cheval tel que celui dont je te donne le signalement?

– Je ne connais personne ayant un pareil cheval.

– C'est bien, dit Monsoreau avec une certaine impatience d'avancer si lentement dans ses recherches, C'est bien! merci! Selle-moi Roland.