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Bussy se mit à rire.

– Eh! eh! dit-il, on verra, on verra.

Le duc le regarda très attentivement.

– Allons au Louvre, fit Bussy; mais nous seulement: monseigneur restera dans son jardin à abattre des têtes de pavot.

François feignit de rire très joyeusement. Le fait est qu'au fond il se trouvait heureux de n'avoir plus la corvée à faire.

Les Angevins se parèrent superbement. C'étaient de fort grands seigneurs, qui mangeaient volontiers en soie, velours et passementerie, le revenu des terres paternelles.

Leur réunion était un mélange d'or, de pierreries et de brocart, qui, sur le chemin, fit crier noël au populaire, dont le flair infaillible devinait, sous ces beaux atours, des cœurs embrasés de haine pour les mignons du roi.

Henri III ne voulut pas recevoir ces messieurs de l'Anjou, et ils attendirent vainement dans la galerie. Ce furent MM. de Quélus, Maugiron, Schomberg et d'Épernon, qui, saluant avec politesse et témoignant tous les regrets du monde, vinrent annoncer cette nouvelle au Angevins.

– Ah! messire, dit Antraguet, – car Bussy s'effaçait le plus possible, – la nouvelle est triste; mais, passant par votre bouche, elle perd beaucoup de son désagrément.

– Messieurs, dit Schomberg, vous êtes la fine fleur de la grâce et de la courtoisie. Vous plaît-il que nous métamorphosions cette réception, qui est manquée, en une petite promenade?

– Oh! messieurs, nous allions vous le demander, dit vivement Antraguet, à qui Bussy toucha légèrement le bras pour lui dire:

– Tais-toi donc, et laisse-les faire.

– Où irions-nous donc bien? dit Quélus en cherchant.

– Je connais un charmant endroit du côté de la Bastille, fit Schomberg.

– Messieurs, nous vous suivons, dit Ribérac; marchez devant.

En effet, les quatre amis sortirent du Louvre, suivis des quatre Angevins, et se dirigèrent par les quais vers l'ancien enclos des Tournelles, alors Marché-aux-Chevaux, sorte de place unie, plantée de quelques arbres maigres, et semée çà et là de barrières destinées à arrêter les chevaux ou à les attacher.

Chemin faisant, les huit gentilshommes s'étaient pris par le bras, et, avec mille civilités, s'entretenaient de sujets gais et badins, au grand ébahissement des bourgeois, qui regrettaient leurs vivat de tout à l'heure, et disaient que les Angevins venaient de pactiser avec les pourceaux d'Hérode.

On arriva.

Quélus prit la parole.

– Voyez le beau terrain, dit-il; voyez l'endroit solitaire, et comme le pied tient bien sur ce salpêtre.

– Ma foi, oui, répliqua Antraguet en battant plusieurs appels.

– Eh bien, continua Quélus, nous avions pensé, ces messieurs et moi, que vous voudriez bien, un de ces jours, nous accompagner jusqu'ici pour seconder, tiercer et quarter M. de Bussy, votre ami, qui nous a fait l'honneur de nous appeler tous quatre.

– C'est vrai, dit Bussy à ses amis stupéfaits.

– Il n'en avait rien dit, s'écria Antraguet.

– Oh! M. de Bussy est un homme qui sait le prix des choses, repartit Maugiron. Accepteriez-vous, messieurs de l'Anjou?

– Certes, oui, répliquèrent les trois Angevins d'une seule voix; l'honneur est tel, que nous nous en réjouissons.

– C'est à merveille, dit Schomberg en se frottant les mains. Vous plaît-il maintenant que nous nous choisissions l'un l'autre?

– J'aime assez cette méthode, dit Ribérac avec des yeux ardents… et alors…

– Non pas, interrompit Bussy, cela n'est pas juste. Nous avons tous les mêmes sentiments, donc nous sommes inspirés de Dieu; c'est Dieu qui fait les idées humaines, messieurs, je vous l'assure; eh bien, laissons à Dieu le soin de nous appareiller. Vous savez d'ailleurs que rien n'est plus indifférent au cas où nous conviendrions que le premier libre charge les autres.

– Et il le faut! et il le faut! s'écrièrent les mignons.

– Alors raison de plus; faisons comme firent les Horaces: tirons au sort.

– Tirèrent-ils au sort? dit Quélus en réfléchissant.

– J'ai tout lieu de le croire, répondit Bussy.

– Alors imitons-les.

– Un moment, dit encore Bussy. Avant de connaître nos antagonistes, convenons des règles du combat. Il serait malséant que les conditions du combat suivissent le choix des adversaires.

– C'est simple, fit Schomberg; nous nous battrons jusqu'à ce que mort s'ensuive, comme a dit M. de Saint-Luc.

– Sans doute; mais comment nous battrons-nous?

– Avec l'épée et la dague, dit Bussy; nous sommes tous exercés.

– À pied? dit Quélus.

– Eh! que voulez-vous faire d'un cheval? On n'a pas les mouvements libres.

– À pied, soit.

– Quel jour?

– Mais le plus tôt possible.

– Non, dit d'Épernon; j'ai mille choses à régler, un testament à faire; pardon, mais je préfère attendre… Trois ou six jours nous aiguiseront l'appétit.

– C'est parler en brave, dit Bussy assez ironiquement.

– Est-ce convenu?

– Oui. Nous nous entendrons toujours à merveille.

– Alors tirons au sort, dit Bussy.

– Un moment, fit Antraguet; je propose ceci: divisons le terrain en cens impartiaux. Comme les noms vont sortir au hasard deux par deux, coupons quatre compartiments sur le terrain pour chacune des quatre paires.

– Bien dit.

– Je propose, pour le numéro 1, le carré long entre deux tilleuls… Il y a belle place.

– Accepté.

– Mais le soleil?

– Tant pis pour le second de la paire; il sera tourné à l'est.

– Non pas, messieurs, ce serait injuste, dit Bussy. Tuons-nous, mais ne nous assassinons pas. Décrivons un demi-cercle et opposons-nous tous à la lumière; que le soleil nous frappe de profil.

Bussy montra la position, qui fut acceptée; puis on tira les noms.

Schomberg sortit le premier, Ribérac le second. Ils furent désignés pour la première paire.

Quélus et Antraguet Furent les seconds.

Livarot et Maugiron les troisièmes. Au nom de Quélus, Bussy, qui croyait l'avoir pour champion, fronça le sourcil.