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– Pas cette nuit, votre téléphone n'est pas raccordé au système satellite qu'utilise madame Eva, malheureusement. Ce que j'ai déjà dit à Sorvan, c’est qu'elle se mettrait en contact avec vous dès son arrivée, demain.

Merde, pensa Vondt. Il fallait absolument parler à Eva. C'était vital.

– Écoutez-moi bien, lâcha Vondt froidement. Je sais que vous, vous êtes raccordé avec la liaison satellite du bateau, alors vous allez faire très exactement ce que je vais vous dire de faire, O.K.?

Vondt savait que Mme Kristensen avait dû être très claire au sujet de l'importance de ses ordres. Il entendit un vague borborygme d'assentiment.

– Appelez-la dans la minute. Dites-lui que la petite sirène est en vue, mais qu'il y a un problème. Que la petite sirène semble rejoindre la fliquesse d'Amsterdam. Et qu'elle est avec un homme de Travis. Dites-lui ça. Que la petite sirène est dans un hôtel avec ce type, la Hollandaise et un flic du coin. Dites-lui que quelle que soit sa décision nous partons tout de suite au cas où elle déciderait d'une intervention. On laissera un type ici qui recevra votre coup de fil. Vous aurez juste à lui dire OUI, ou NON. Si oui on agit, si non on revient. O.K.?

Il aurait pu entendre l'homme se remémorer toute la séquence derrière le barrage de parasites.

– O.K., monsieur Vondt, je joins Mme Kristensen et je vous rappelle au plus vite.

– Rappelez-vous, si nous sommes partis, dites juste oui ou non à notre gars, compris?

– Compris monsieur Vondt.

Il avait coupé la communication et avait réveillé la maisonnée. Un peu avant une heure sa voiture et deux de Sorvan s'enfonçaient dans la nuit en direction d'Évora.

Une dizaine de kilomètres plus loin, leur homme resté à Monchique les joignit avec la C.B.

– C'est oui, laissa-t-il tomber laconiquement.

Le Beretta 32 se retrouva bien en mains. Croisées sur la crosse, tendues vers la porte. Elle alla se coller au pan de mur qui serait recouvert si la porte s'ouvrait.

La course des pas s'était éteinte brutalement au sommet de l'escalier et une voix à demi étouffée avait tenté de rétablir le calme.

– Vos gueules. Silence. On doit juste trouver la chambre quatorze.

Puis un chuchotement inaudible pour elle.

Bon dieu se demanda-t-elle, qu'est-ce qu'il y a dans la chambre quatorze pour valoir une telle expédition?

Elle se demanda si Oliveira dormait ou s'il avait entendu les bruits lui aussi.

Elle se traça de mémoire la disposition de l'étage. Elle était à la chambre dix-huit, et Oliveira à la dix-neuf, au fond du couloir. Si ses souvenirs étaient exacts la quatorze devait sûrement se trouver de l'autre côté de la cage d'escalier, son aile ayant commencé par le chiffre seize.

Il n'y avait aucun rai de lumière sous sa porte.

Les types étaient restés dans le noir.

Peut-être des flics venus procéder à une arrestation…

Elle glissa de l'autre côté de la porte et bénit les dieux du hasard qui avaient voulu qu'elle ne l'ait pas fermée à clé.

Elle tourna très doucement le loquet et tira d'un petit centimètre vers elle.

Un groupe de silhouettes faisaient face à l'autre porte du fond, de l'autre côté de l'escalier. Il y avait un type près de la dernière marche qui semblait scruter l'obscurité vers elle. Un type d'une stature imposante et qui semblait diriger le groupe. L’homme se retourna vers la cage et chuchota quelque chose à quelqu'un qui faisait du bruit dans l'escalier.

Cinq hommes au moins. Trois devant la porte. Un au sommet des marches et un dans l'escalier. Ah oui et les deux types dehors. Et peut-être bien un ou deux mecs en bas pour tenir en joue le gardien. Bon dieu, une véritable armée. Qu'est-ce que…

C'est à cet instant qu'elle entrevit un mouvement brusque dans le groupe posté près de la porte et qu'une explosion déchira le silence. Un éclair avait jailli avec la détonation et elle vit la porte du fond s'ouvrir d'un coup de pied violent. On avait tiré dans la serrure et…

C'est à cet instant que l'enfer se déchaîna dans le couloir.

CHAPITRE XVIII

C'est Alice qui l'avait réveillé.

Dans son sommeil un mouvement de forte amplitude était venu bousculer les règles d'un rêve très ancien qui venait périodiquement assaillir sa conscience endormie. Puis une voix avait résonné à ses oreilles et ses yeux s'étaient ouverts. Il reprit pied difficilement. Le visage d'Alice là tout près. Ses lèvres qui chuchotaient quelque chose, son air grave. Sa main qui secouait son épaule. La chambre plongée dans le noir.

– Hugo, lui disait-elle, réveillez-vous… Hugo, il faut que vous vous réveilliez…

Il se réveilla.

– Ou'est-ce qu'ya?

– Ils sont là, Hugo… Oh, plein d'hommes, des hommes de ma mère… ils sont dans l'hôtel.

Il prit conscience tout à fait, rejetant les draps et s’asseyant sur le lit.

– Oui, jeta-t-elle, plus terrifiée à chaque seconde, je les ai vus entrer et j'ai entendu du bruit en bas, je… je ne dormais pas très bien et j'ai entendu leurs voitures… OH!

Elle venait de sursauter alors que de lourdes foulées grimpaient l'étage et que des voix étouffées se faisaient entendre.

– Ce sont eux, mon dieu, faillit-elle hurler mais Hugo lui faisait signe de la boucler, puis lui montra d'un geste ferme le cabinet de toilettes. Sa main empoignait déjà le pistolet-mitrailleur.

Il se mit sur ses pieds, doucement, et s'accroupit en tendant l'oreille, derrière le lit. Alice refermait la porte des toilettes sur elle. Le silence était retombé. Il déclencha le cran de sûreté et mit le système photo-optique en route. Il s'installa confortablement le dos au mur, en repliant ses jambes sur le sol et en tenant l'arme dirigée vers la porte, bien calée sur l'oreiller.

Un long film vert commença. Dans le viseur une porte verdâtre s'encadrait sur un mur d'une autre nuance, légèrement plus claire. Aucune lumière dans le couloir. Les types voulaient profiter de l'obscurité: ils allaient être servis.

Il attendit patiemment que la porte s'ouvre.

Une énorme détonation le fit sursauter, malgré l'habitude. Un violent éclair zébra l'image monochrome, là où la serrure explosa.

Et le rectangle vert intense découvrit un autre rectangle très dense, presque noir, mais où se détachaient nettement trois silhouettes, d'un beau vert, électrique et généreux. La croix graduée du collimateur se trouvait en plein sur la grosse silhouette du centre. Les hommes allaient se ruer dans la chambre dans une fraction de seconde.

Il appuyait déjà sur la détente. Un énorme jet de flammes orange troua la nuit, dans un bruit infernal. L'arme tressauta contre son épaule et il vit l'homme du centre et son voisin de droite partir à la renverse. Les flammes trouaient toujours la nuit et l'homme de gauche tenta de tirer avec son arme, en se jetant en avant, Hugo vit nettement l'éclair fluorescent zébrer la lentille mais le tir de l'homme ne fut pas assez précis. Les flammes orange tonnaient toujours et la croix chiffrée le pointait. L'homme s'écroula à son tour, dans une danse grotesque. On hurlait de partout. La porte et le mur étaient ravagés par une pluie de métal. Il y avait une autre ombre verte dans le couloir qui tirait vers lui à son tour. Des impacts s'étoilèrent sur le lit et l'armoire. La silhouette avait tiré accroupie et elle se releva prestement. Une solide baraque, qu'il arrosa au jugé. Mais l'homme se jeta à plat ventre dans le couloir, disparaissant momentanément à sa vue. Et un autre, non deux autres dans l'escalier, dont l'un avec un fusil, qui montaient en courant à l'étage. Les flammes trouaient la nuit. Le grand type remettait ça lui aussi. La vitre de la chambre explosa derrière lui. De grosses détonations que hurlait un énorme revolver, paraissant minuscule dans sa main de catcheur. Son tir était redoutablement précis et Hugo se colla contre le mur. L'homme avec le fusil était arrivé en haut de l'escalier et il épaula en direction de sa chambre. Le montant de la porte explosa et un autre impact vint plomber le pied du lit, déchiquetant le bois et le sommier de métal.